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L’iris blanc (2023)

Astérix et Obélix Tome 40

Scénario : FabCaro

Dessins : Didier Conrad

Paru le 26 octobre 2023

Chez Hachette

 

Contrairement à ce qu’on pouvait craindre : Astérix n’est pas mort avec ses créateurs ! Il est même très vivant. Des projets fleurissent chaque année pour le meilleur…et pour le pire. Mais nous ne parlerons pas ici du « film » de Guillaume Canet. Encore que cela pourrait être intéressant de le faire dans un futur proche pour comprendre ce qui n’y fonctionne pas. Bref, entre les jeux vidéo, la série d’animation autour d’Idéfix et celle d’Alain Chabat pour Netflix, la licence a de beaux jours devant elle. C’est dans ce contexte que parait le 40ème album, L’Iris blanc.

En 50 avant Jésus-Christ, toute la Gaule…Vous connaissez le laïus ! Jules César cherche un nouveau moyen pour soumettre le village d’Astérix. Et si la solution venait de Vicévertus, créateur du précepte de L’Iris Blanc qui apporte l’apaisement par la pensée positive ?

Depuis 2013, l’univers dessiné des irréductibles a été confié à Jean-Yves Ferri pour le scénario, et à Didier Conrad pour le dessin. Si ce dernier n’a jamais démérité, les qualités scénaristiques étaient plus fluctuantes. Les albums étaient sympathiques mais pas transcendants. Ils offraient une aventure orientée principalement pour le jeune public. Les différents niveaux de lectures manquaient cruellement.

Pour ce nouvel opus, on garde le dessinateur et on lui octroie un nouveau scénariste, le très populaire FabCaro. Bédéiste et romancier à succès, il s’est imposé par un univers très personnel dominé par l’humour absurde qui cache un regard acéré sur la société. Ici, on adore ! Mais on se demandait aussi si son écriture allait réussir à se marier à un univers aussi codifié qu’Astérix. Comment son humour allait embrasser celui de la série sans la dénaturer ? C’est dire s’il était attendu au tournant.

Sans être un album parfait, c’est une franche réussite. S’inscrivant dans les pas de René Goscinny, FabCaro prend tous les ingrédients d’un bon album d’Astérix. Toutefois, son côté « bon élève » peut parfois lui desservir. A trop vouloir respecter le maître, il est difficile de s’en détacher. Ainsi, la structure scénaristique de l’album est un mélange de La Zizanie, Le Devin et Le Domaine des dieux. On y trouve aussi des résonnances avec Obélix et compagnie. C’est toujours un plaisir pour le fan de retrouver des clins d’oeils aux albums précédents, des personnages, etc. Mais cela devient embêtant quand cela rend l’histoire prévisible. Gageons que cela n’était qu’un fil d’Ariane pour son premier album, et que le talent de FabCaro nous offrira une prochaine histoire totalement inédite.

Car pour le reste, on frôle la perfection. La satire de notre époque, qui était presque devenue secondaire depuis le décès de Goscinny, revient en force. FabCaro compose une caricature féroce des mouvements de développement personnel, qui prétendent offrir des solutions à coup de phrases toutes faites. Chaque planche fourmille de références plus ou moins évidentes à la société actuelle. Nous en prenons pour notre grade et le rire devient libérateur. Par son art de l’absurde, FabCaro marque le grand retour des jeux de mots de qualité et autres calembours. Il n’a pas peur d’y aller et on ressent son plaisir de les écrire.

Malgré son manque d’originalité narrative, L’Iris blanc signe une belle entrée de FabCaro dans l’univers du petit gaulois. Hilarant et satirique, il est à mettre entre toutes les mains.

Un article de Florian Vallaud