CINEMA, DANS TON SALON, EN SALLE

« La Chute » poursuit son ascension

Anatomie d’une chute (2023)

Un film de Justine Triet

Avec Sandra Hüller, Samuel Theis,

Swann Arlaud, Antoine Reinartz…

Genre : Policier, drame

Distribué par le Pacte et Mk2 Films

Sortie le 21 Mai 2023

Disponible en dvd, blu ray et VOD

Cette nuit se tenait à Los Angeles la 81ème cérémonie des Golden Globes. Sans surprise, après avoir obtenu la Palme d’Or au festival de Cannes, Anatomie d’une chute de Justine Triet repart avec les trophées du « meilleur Scénario » et du « meilleur film étranger ». Pourtant désavoué par Elisabeth Borne parce que la réalisatrice ne l’a pas brossé dans le sens du poil, le film continue de séduire à l’international. Hélas, pour la raison suscitée, il ne pourra pas briguer l’oscar du meilleur film étranger. A toute fin utile, rappelons que si l’art est politique, la politique ne devrait pas se mêler de l’art. Ceci mis à part, quelles sont les qualités de ce long métrage qui justifient un tel succès ?

Le film raconte le procès de Sandra (Sandra Hüller) après que son mari, Samuel (Samuel Theis), soit tombé du haut du balcon de leur chalet. Epaulée par Maitre Vincent Renzi (Swan Arlaud), elle va devoir faire face à l’avocat général (Antoine Reinartz) et convaincre la Cour de son innocence.

Justine Triet nous a habitué à pervertir les genres cinématographiques. Dans Victoria (2016), elle détournait déjà la comédie romantique pour proposer une analyse très fine de la femme entre deux âges. Ici, c’est le film de procès qui est abordé avec intelligence. A l’instar de La Nuit du 12 de Dominik Moll, ce n’est pas la vérité des faits qui importe ici mais la vérité judiciaire. Savoir ce qu’il s’est produit n’est pas le propos. « La Chute » du titre dont nous sommes invités à découvrir « L’anatomie » n’est pas celle de Samuel.

Cet événement est le prétexte à passer au crible la chute d’un couple, son délitement progressif. vOn y entraperçoit des accès de violence. Peut-être qu’il s’agit de la raison de la mort de Samuel, mais peut-être pas. Le spectateur est invité à se faire son idée.

Pour appuyer sa volonté de ne pas offrir un récit artificiel dont la structure mènerait à une résolution artificielle, Justine Triet ressort des outils dont elle a déjà prouvé sa maîtrise. Ainsi, sa réalisation se veut documentaire. L’image est brute et la caméra bouge régulièrement pendant les séquences de tribunal. Souvent, elle ne trouve pas du premier coup la personne qu’elle doit filmer. Cela ne fait que renforcer le réalisme de son histoire.

Devant cet objet filmique qui modifie nos habitudes de spectateurs, il n’est pas compliqué de comprendre ce qui peut séduire à l’international : des personnages dont il est difficile de discerner la responsabilité, une réalisation documentaire qui brouille les pistes entre le réel et la fiction (renforcé par le fait de faire porter le prénom des comédiens aux personnages). Entre son succès critique et publique, il ne fait aucuns doutes qu’Anatomie d’une chute aurait été un candidat sérieux aux Oscars.

Un article de Florian Vallaud

 

CINEMA, DANS TON SALON

Cocoon s’offre une cure de jouvence

Cocoon (1985)Résultat de recherche d'images pour "cocoon carlotta"

Comédie – Science Fiction

Un film de Ron Howard

Avec Don Ameche, Wilford Brimley,

Brian Dennehy, etc

Distribué par 20th Century Fox

Réédité le 8 Août 2018

En DVD et Blu Ray

Chez Carlotta

Quand un trio de seniors mal en point retrouvent des forces après une plongée dans une piscine où reposent des cocons aliens, ceux-ci vont se lancer dans une quête effrénée de leur jeunesse.

Sorti en France en Novembre 1985, Cocoon rencontre un gros succès et se hisse sans mal à la sixième place des plus gros succès de l’année aux États-Unis. Il empochera deux oscars en 1986 : Meilleur second rôle pour Don Ameche et Meilleurs effets spéciaux pour la société de Georges Lucas, ILM. Tout d’abord proposé à Robert Zemeckis, qui déclinera pour aller tourner A La Poursuite du Diamant vert, le film tombe entre les mains de Ron Howard qui sort de la réussite de Splash. La ressortie en éditions Blu-Ray nous permet d’effleurer les raisons qui l’ont fait entrer au panthéon des films cultes des années 80.

Le scénario de Tom Benedek est un petit bijou de symbolisme. Si son nom ne vous dit rien, c’est assez normal car il n’a commis que deux autres films à la réussite plus que relative : le Pinocchio de Steve Barron en 1996 et Zeus et Roxane en 1997. Il n’empêche queCocoonest un modèle du genre reconnu par les professionnels et récompensé par la Writers Guild of America. Si les deux premiers actes du film sont relativement classiques, ils ont le mérite de mêler subtilement comédie et science-fiction. L’histoire s’inscrit aussi dans la mode de son époque puisque les aliens sont plutôt amicaux. Même quand les trois protagonistes brisent leur parole de ne pas révéler les vertus de la piscine, ils ne leur en tiennent pas rigueur et leur font une autre proposition. Ce qui nous mène au troisième acte, métaphore de la mort et du passage dans l’au-delà.

Les retraités embarquent à bord du bateau mené par Steve Guttenberg pour rejoindre le vaisseau des extra-terrestres. C’est alors que les situations lourdes de sens s’enchaînent. La cellule familiale, jusque-là totalement absente pour les retraités, fait son apparition. Elle nous rappelle qu’ils ont été placés en maisons et quasiment oubliés. Lorsque l’un d’eux révèle à son petit-fils son intention de « partir », l’enfant négocie. Il tente de suivre ses grands-parents mais on lui rappelle que ce n’est pas sa place, pas encore. Enfin, comment ne pas penser à la descente du Styx de la mythologie grecque, où le passage vers l’autre monde, vers l’éternité, se faisait en bateau. Le personnage de Steve Guttenberg devient alors un ersatz de Charon.

La subtilité du scénario est portée par une réalisation ancrée dans les codes des années 80. Par la lumière et les ambiances, on ne peut s’empêcher de penser à E.T. , ou plus largement aux films Amblin produits par Spielberg. Seulement voilà, Ron Howard est un bon faiseur mais il a probablement appris le sens du rythme avec Georges Lucas. Chaque plan est posé et fait penser à du Woody Allen sous Lexomyl. Un peu plus de fougue aurait pu être la bienvenue. Cependant, cela ne parasite en rien la lecture du film sinon qu’il paraît parfois un peu longuet.

Décidément, Carlotta se pose encore une fois comme l’éditeur à suivre avec attention. En ressortant Cocoon dans une sublime copie, c’est notre jeunesse qu’il restaure. On aurait probablement aimé un peu plus de bonus pour envelopper le tout mais le film se suffit à lui-même.

Un article de Florian Vallaud

CINEMA, DANS TON SALON, Non classé

Le doux parfum des 80’S

À Armes égales. (1982)Résultat de recherche d'images pour "a armes égales toshiro mifune"

Action – USA

Réalisé par John Frankenheimer

Avec Scott Glenn, Toshiro Mifune

Sortie en Blu-ray et DVD le 25 Juillet 2018

Chez Carlotta Films

 

Rick (Scott Glenn), un boxeur en fin de carrière, est engagé par Toshio (Sab Shimono) et Akiko Yoshida (Donna Kei Benz) pour rapporter au Japon un ancien sabre appartenant au maître du clan Yoshida (Toshiro Mifune). Arrivé à Osaka, il est kidnappé et amené devant Hideo Yoshida (Atsuo Nakamura), frère du maître et homme d’affaire prêt à tout pour s’accaparer le sabre.

Remontons le temps. Jusqu’à une décennie que les moins de 20 ans qualifieront de préhistoire : les années 80. À l’aube de cette époque jurassique, les dinosaures s’appellent Casimir, Walkman ou Atari 2600, s’ébattent joyeusement dans un environnement principalement composé de formica et de bakélite, et restent totalement ignorants des effets du réchauffement climatique. Quant au magnétoscope, c’est simplement l’objet le plus hype qu’on puisse trouver dans une maison. Le samedi soir arrivé, quand on ne se déhanche pas au Macumba en pantalon de cuir, à draguer des filles en veste à épaulettes, c’est très logiquement qu’on se rend en un lieu incontournable pour tout cinéphile : Le vidéo-club tenu par l’ami J.P. Là, dans ce local généralement surchauffé, au milieu des odeurs de renfermé et de clope froide (la Loi Évin est encore une douce utopie), on cherche fébrilement, au choix, dans le rayon action une vidéo furieuse remplie de coups de tatanes, ou au rayon horreur une cassette bien gore qui jettera votre conquête permanentée dans vos bras d’un sursaut dégoûté.

Comme toute époque dans laquelle une génération a grandi, elle suscite une douce mélancolie dans laquelle ceux qui l’ont vécue (et d’autres) aiment parfois se plonger. La tentation est alors grande de servir aux nostalgiques des produits faciles et à la qualité déplorable (Quiconque a déjà jeté un œil à une copie DVD du Retour des Morts-vivants II, par exemple, sait de quoi je parle). Heureusement on peut noter que certains savent jouer cette carte avec un talent certain. C’est le cas du Chat qui fume (à qui on doit les remasters de 3615 code Père Noël ou Le Retour des Morts-vivants, que nous avons chroniqué), et c’est également le cas de Carlotta Films qui nous livre avec À Armes égales un nouveau morceau de bravoure made in 80’s, enrichissant ainsi son (déjà généreux) label Midnight Collection.

À armes égales surfe, assez facilement, il faut bien l’admettre sur la vague des films d’arts-martiaux venus de l’autre côté du pacifique et qui fascina une génération de cinéphiles américains (mais pas que), au point qu’Hollywood se mit en tête d’en faire autant, mais en adaptant la recette à un public plus large. Héros yankee, décors qui le sont généralement tout autant, idéaux d’honneur et de noblesse relégués en arrière plan au profit d’objectifs plus prosaïques. Et s’il se déroule presque exclusivement au Japon (dans la région d’Osaka plus précisément), À Armes égales s’éloigne peu des canons du film de sabre à l’américaine. La progression du héros ne sort pas des clous, d’abord simplement motivé par l’appât du gain puis plus impliqué quand il s’agit d’aller sauver sa copine (et accessoirement récupérer l’héritage familial), et des scènes d’action plutôt propres mêlant katanas et mitraillettes. Rien de très neuf ni de très original, mais indéniablement efficace.

Si ce film possède une saveur si particulière, c’est sans conteste pour la présence du charismatique Toshiro Mifune, sans doute l’un des plus grands acteurs japonais, spécialiste du film de sabre et acteur fétiche d’Akira Kurosawa, avec qui il a collaboré sur 16 productions (dont Les 7 Samouraïs, Yojimbo ou encore Barberousse). Même vieillissant, il porte littéralement le film sur ses larges épaules et il irradie littéralement à chaque scène où il apparaît. Sa maîtrise du sabre et sa rapidité d’exécution restent impressionnantes, au même titre que son jeu tout en retenue et sa voix rocailleuse. La sévérité de son regard écrasant l’impudent Scott Glenn invite à l’humilité jusqu’au dernier spectateur.

Soyons honnête, À Armes égales ne surclasse pas vraiment ses concurrents de l’époque que ce soit pour son scénario ou ses scènes d’action. Typiquement 80’s, ce film l’est sans aucun doute, avec ses méchants très méchants et ses gangsters à mitraillettes tranchés à coups de sabres. À voir pour la prestation de l’immense Toshiro Mifune et le plaisir qu’on a à le voir manier le sabre.

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux

CINEMA, DANS TON SALON

L’autre Visage de Brando

La Vengeance aux deux visages.Résultat de recherche d'images pour "la vengeance aux deux visages carlotta"

Western – USA

Réalisé par Marlon Brando

Avec Marlon Brando, Karl Malden

Sortie en salles en 1961

Sortie en DVD et Blu-ray chez Carlotta le 11 Juillet 2018

Sonora 1880. Trois bandits, Dad, Doc et Kid, dévalisent la banque. Poursuivis par la milice mexicaine, Kid et Dad décident de se séparer. Finalement arrêté, Kid finit en prison et Dad disparaît dans la nature. Cinq ans plus tard, Kid s’évade et entreprend de retrouver son ancien partenaire. Il le retrouve à Monterey, en Californie, rangé des affaires, shériff et marié. Kid, lui, ourdit sa vengeance.

La Vengeance aux deux visage sfait partie de ces films qu’on pourrait qualifier de légendaire. Déjà parce qu’il s’agit de l’unique réalisation de Marlon Brando, acteur légendaire s’il en est. Ensuite pour les conditions rocambolesques de sa réalisation. À l’origine prévu pour être réalisé par Stanley Kubrick, ce sera finalement Brando qui en assurera la réalisation avec tout ce que ça comptera de débordements : un budget multiplié par six, des heures (peut-être même des jours) de rushs inutiles pour un résultat de plus de 4h40 (soit plus que Le Retour du Roi de Peter Jackson !). Selon Martin Scorsese, qui signe l’introduction éclairante de cette édition haute définition, il existerait même une version de plus de 5h20(!). Totalement inexploitable en l’état, la Paramount fait effectuer un remontage complet du film pour finalement accoucher de cette version de 2h20.

De l’aveu même de Brando, qui gardera une certaine amertume de cette expérience (sans doute une des raisons qui ne le feront plus revenir derrière la caméra), ce remontage ne l’a pas satisfait, et ce, en dépit du succès que le film rencontrera en salles. On peut évidemment le comprendre, et le regretter. Le seul film de Brando, finalement amputé (très amputé même) d’une part de sa vision originelle de réalisateur, on pourrait s’attendre à un massacre. Pour autant ce « Producers’ cut » n’est pas une catastrophe, loin de là, sans doute parce que la vision et le perfectionnisme du réalisateur imprègnent le film malgré tout, comme l’improvisation qui transparaît souvent, donnant authenticité, vivacité et humanité à ses personnages. Autant dire, une révolution au début des 60’s, à plus forte raison dans un western. Et même si Brando regrettait que ce remontage ait lissé les nuances de ses personnages, ces 2h20 de film permettent malgré tout de voir un peu de ce gris qu’il recherchait tant.

Brouillant les frontières entre western et mélodrame, cette version tronquée n’en reste pas moins une belle démonstration de cinéma. Certes, on pourrait lui reprocher une structure très (trop ?) classique (nous avons tout de même affaire à un western), mais sa mise en image splendide, sa direction d’acteurs maîtrisée et les thèmes qu’il aborde respirent la modernité. Qu’il s’agisse de la violence sadique et dissimulée à laquelle se livrent tour à tout Rio, dit le Kid (Marlon Brando), fripouille éminemment sympathique, et Dad Longworth (Karl Malden), truand qui se cache derrière sa façade de shérif, ou du dilemme œdipien qui les lie tous les deux jusqu’à son dénouement nécessaire, La Vengeance aux deux visages marque de son empreinte le cinéma de son époque.

Cette restauration que nous proposent les éditions Carlotta, et initiée par Martin Scorsese et Steven Spielberg, rend un très bel hommage à la seule réalisation du monument Brando. Image éclatante et son clair, le tout encadré de bonus intéressants (l’introduction par Scorsese, évidemment, et un fac-similé du dossier de presse de l’époque en tête) et d’un packaging attrayant. De toute évidence, Carlotta respecte autant les films qu’elle édite que les passionnés qui les regardent. Une très bonne raison de découvrir La Vengeance aux deux visages, autant pour la fresque épique qu’il dépeint que la curiosité cinématographique qu’il représente.

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux

CINEMA, DANS TON SALON

Carlotta aime toujours ses classiques

Profession : Reporter (1975) Résultat de recherche d'images pour "profession reporter coffret"

The Passenger

Un film de Michelangelo Antonioni

Avec Jack Nicholson, Maria Schneider

En édition DVD, Blu-Ray et Ultra-Collector

Chez Carlotta

Les Ultra-Collector de Carlotta, c’est un événement incontournable. En l’espace de 9 éditions, la collection s’est imposée comme le rendez-vous immanquable des films à voir ou à découvrir. La sélection est exigeante, accessible et donne une nouvelle visibilité à des chefs-d’œuvre méconnus du grand public. Body Double, The Burbs, Les Années Selznick de Hitchcock,Phantom of the paradise : autant d’œuvres cinématographiques restaurées avec soin et passion par l’éditeur. Outre le fait de leur rendre des couleurs chatoyantes, ces versions haute définition sont agrémentées d’une armada de bonus et d’un livre exhaustif rédigé par des spécialistes. Le Numéro 10 vient de paraître et honore, cette fois-ci, un des plus grands films d’Antonioni : Profession : Reporter.

Produit par la MGM, et sorti en salle en 1975, ce seizième film du réalisateur italien fait figure d’œuvre majeure. Il fait partie, avec Blow-upetZabriskie Point des rares films qu’il ait tourné à l’étranger. Porté par Maria Schneider et Jack Nicholson, cette histoire de journaliste se faisant passer pour mort pour se libérer de sa vie, et adopter celle d’un parfait inconnu, réuni les thèmes chers au maître. Il y est question de liberté, bien sûr, de politique, du rapport aux hommes à la société et de solitude. Le jeu tout en intériorité de Nicholson porte à merveille ces thèmes jusqu’à un final inéluctable.

Bien que le scénario soit digne d’un Hitchcock avec cet échange d’identité et la menace qu’il implique, Antonioni y conserve son amour des plans étirés en longueur, nous faisant ressentir une certaine pesanteur au-dessus des personnages. Il y ajoute une patte visuelle résolument documentaire afin d’être cohérent avec son personnage de journaliste, allant même jusqu’à ajouter des images d’archives à son montage.

L’image est belle et Carlotta a même conservé un certain piqué significatif de la pellicule. Cet éditeur ne cède pas à la tendance qui consiste à numériser à l’extrême au risque de perdre le charme du film en celluloïd. Les bonus de l’édition et le livre qui l’accompagne, quant à eux, sont éclairant sur les différentes facettes du film. C’est rassurant de savoir que des éditeurs comme Carlotta, ou dans un autre style Le Chat Qui Fume, sont gérés par des gens qui aiment le cinéma. On attend avec impatience l’annonce du onzième numéro de cette collection. Mais, entre-temps, l’été est chargé pour l’éditeur avec d’autres éditions DVD / Blu-Ray et des ressorties en salle de films très peu vus. Mais ça, c’est une autre histoire…

Un article de Florian Vallaud

CINEMA, DANS TON SALON, Non classé

Le Courage dans la fuite

Chasseuse de géantsRésultat de recherche d'images pour "chasseuse de géants"

Fantastique, Drame – USA

Réalisé par Anders Walter

Avec Madison Wolfe, Zoe Saldana, Imogen Poots, Sydney Wade

Sortie en dvd et Blu Ray le 6 Juin 2018

Chez M6 Interactions

Solitaire et en conflit permanent, Barbara est une collégienne sans peur pas comme les autres. Comment pourrait-elle avoir peur de toute manière ? Armée de sa gouaille et d’un puissant marteau de guerre, elle débusque, traque et tue les géants sur son temps libre. Du moins, c’est ce qu’elle raconte à qui veut l’entendre. Selon elle, les géants, dont la présence échappe aux humains, sont des pourvoyeurs de souffrance et de désolation dont elle se doit de préserver les autres. Et si la vérité était finalement encore plus tragique ?

Chasseuse de géants (I kill giants en VO) est l’adaptation de la bande-dessinée éponyme éditée voilà plus de dix ans maintenant. S’il a eu droit à une édition française en 2009, il sera également réédité en avril 2018 (Nous ne manquerons pas de le chroniquer) à l’occasion de la sortie du film. Née des esprits conjoints de Ken Niimura (Prix international du manga pour I kill Giants justement) et Joe Kelly (Auteur de nombreuses séries pour Marvel et DC), cette histoire de collégienne à la langue bien pendue écrasant les géants à coups de masse gigantesque emprunte aussi bien aux super-héros qu’aux récits plus intimistes, et ça marche, plutôt génialement même.

Mais est-ce vraiment étonnant, finalement ? Le script est signé par Joe Kelly, et on peut difficilement trouver mieux placé que l’auteur lui-même pour saisir l’essence de son travail. Trouvant son inspiration dans des œuvres telles que Le Labyrinthe de Pan ou Alice au pays des merveillesChasseuse de géants se montre plus ambigu encore en déroulant son action dans notre réalité concrète. Et il faut bien l’admettre, le flou règne d’un bout à l’autre du film, avec ses géants en arrière plan et ses créatures fantasmatiques qui s’adressent à une héroïne qui semble la seule à les voir. On est libre d’y croire ou non, et même si on suppose que cette traque du géant n’est qu’une chimère inventée par Barbara, le doute subsiste jusqu’à la toute fin du film. Chasseuse de géants nous plonge dans les méandres de l’imagination et de la peur, et des désastres qu’elles peuvent engendrer quand la seconde prend le pas sur la première.

Barbara, campée par l’excellente Madison Wolfe, est d’ailleurs très convaincante quand il s’agit de conforter le bien-fondé de sa démarche héroïque. Tellement que Sophia (Sydney Wade), sa seule amie, marche dans son jeu quelques temps, et même la psychologue, Mme Mollé (Zoe Saldana), a bien quelques doutes. Car la morgue de Barbara s’attaque à tout le monde, ses persécuteurs en tête bien sûr, mais aussi à celles qui se rendent compte que quelque chose cloche chez cette fille qui dissimule sa peur glaçante derrière sa maturité et son intellect. Barbara préfère rejeter celles qui veulent l’aider et poursuivre sa quête illusoire. Tout plutôt que de laisser s’effondrer son monde… quitte à laisser de côté la réalité. Car sous ses dehors de jeune fille courageuse qui se dresse face à des créatures terrifiantes, Barbara fuit l’une des plus grandes peur qu’un enfant puisse affronter. Et on ne peux que la comprendre.

Au croisement de Trollhunter et des Goonies, Chasseuse de géants est un récit où se mêlent intime et fantastique, où la quête de Barbara trouve racine au sein d’une famille qui se délite. Et de par les épreuves qu’elle traverse, son dénouement émouvant et puissant parlera à tous. Et vous, fuirez-vous devant votre peur ou lui ferez-vous face ?

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux

CINEMA, DANS TON SALON

Le Chevalier Noir prend les armes

Batman Ninja (2018)Résultat de recherche d'images pour "batman ninja"

Un film d’animation de Junpei Mizusaki

Disponible en Blu-Ray et DVD chez Warner

Depuis le 9 mai 2018 

 

À la suite d’un dysfonctionnement de la machine temporelle de Gorilla Grodd, Batman se retrouve propulsé en plein Japon féodal. Il découvre qu’il n’est pas le seul. Plusieurs de ses grands ennemis (le Joker, Harley Quinn, le Pingouin, Double Face, Deathstroke) sont arrivés avant lui et ont pris le pouvoir sur les différentes régions. Ils se battent pour devenir Shogun. Batman va devoir apprendre à se battre sans sa technologie et rétablir le passé pour garantir l’avenir.

L’incursion d’artistes japonais dans l’univers des adaptations animées de comics américains n’est pas nouvelle. Marvel l’a déjà fait il y a quelques années avec Iron Man et Wolverine. C’est au tour du héros emblématique de l’écurie DC de passer à la moulinette japonaise. En y réfléchissant bien, ce n’est pas si étonnant. Batman est un personnage maîtrisant les arts martiaux. Sa capacité à se déplacer sans être vu rappelle les compétences des ninjas. Leurs univers ne semblent donc pas irréconciliables.

Ce qu’on peut constater de prime abord, c’est la direction artistique fabuleuse. Junpei Mizusaki opte pour une variété rafraîchissante de l’animation. Du plus pur style manga aux estampes japonaises, il traverse les influences en cohérence avec les événements qu’il met en scène. C’est beau à chaque instant et il offre même des instants de poésie intense.

Le scénario, quant à lui, oscille entre le passionnant et le déroutant. Si ce qui touche aux traditions du Japon féodal se mêle agréablement à l’univers du chevalier noir, il n’en est pas de même pour l’utilisation de ressorts scénaristiques digne d’un épisode de Bioman. Pourquoi avoir intégré des robots géants qui n’apportent aucune plus-value à l’ensemble ? Cependant, l’histoire est suffisamment bien emballée pour intéresser au long des 80 minutes de métrage.

Batman Ninja est un film d’animation honnête et plus séduisant que son nom ne pourrait le laisser penser. On le démarre plein de préjugés et, finalement, on passe un très agréable moment. Ce n’est évidemment pas du niveau de l’animation japonaise habituelle mais une belle revisite graphique des personnages qu’on découvre comme jamais. Une fois encore, la Warner montre que sa version animée de l’univers DC est bien plus intéressante et audacieuse que les versions live.

Un article de Florian Vallaud pour culturotopia.com

CINEMA, DANS TON SALON, Non classé

De la friabilité du couple

Permission (2018)Résultat de recherche d'images pour "permission film"

Un film de Brian Crano

Avec Rebecca Hall, Dan Stevens, etc

Sortie en DVD le 2 Mai 2018

Chez TF1 Vidéo 

À l’heure où les ventes sur supports physiques se font de plus rares, le direct-to-DVD est une prise de risque. Le film pourrait ne pas avoir la visibilité nécessaire pour exister auprès des spectateurs qui ciblent de plus en plus leurs achats. D’autre part, le direct-to-DVD est souvent associé à des films de seconde zone voire, disons-le carrément, à des nanars abyssaux. Des films tellement mauvais qu’ils n’ont pas trouvé de distributeurs français qui ont cru en eux. Il faut se faire une raison, ce n’est pas le cas de ce film ! Permission de Brian Crano a toutes les qualités d’un bon film sinon celle de ne pas permettre un positionnement marketing clair.

Anna et Will s’aiment depuis le lycée. Leurs dix années de couple se sont passées sans heurts et ils s’apprêtent à se marier. Mais, lors d’un dîner avec le frère de Anna et son petit copain, ce dernier met en lumière une situation perturbante : ils n’ont jamais connu bibliquement d’autres personnes. Ils n’ont donc aucun sujet de comparaison. Les deux s’accordent alors la « permission » d’aller voir ailleurs, pensant leur couple plus fort que de simples relations sexuelles. Ils ne pensaient pas avoir ouvert la boîte de Pandore.

Ce synopsis semble être celui d’une comédie romantique légèrement transgressive. Quelque chose entre les films avec Sandra Bullock et les délires potaches de Judd Apatow. Le vendre comme ceci serait une grosse erreur, et le meilleur moyen de décevoir les spectateurs. Brian Crano prend les atours de la comédie pour en sortir un drame tout en finesse sur la notion de couple fusionnel.

À cette fin, il traite de front deux histoires : celle du couple de Anna et Will qui semblait idyllique et voué à rester souder, et celle du frère qui va voir son désir d’enfant se heurter à la réticence de son compagnon. Ce que nous dit le scénariste et réalisateur, c’est qu’il est illusoire de croire qu’être en couple c’est regarder dans la même direction. Ou si on le fait, ce n’est pas forcément pour les mêmes raisons. Le film nous montre des personnages perdus entre leurs attentes et ce qu’ils trouvent en réalité, à l’instar du spectateur qui croyait trouver une comédie légère et gentiment coquine.

Si Dan Stevens compose toujours le même personnage (qu’il s’agisse de Downton Abbey ou La Belle et la bête), il est touchant dans le rôle de l’homme dépassé par les événements. Rebecca Hall est, quant à elle, très juste et attire une empathie immédiate.

Permission est un joli film qui s’avère parfois plus fin que ceux qui sortent en salle. Vous avez la « permission » de vous en procurer un exemplaire dès le 2 Mai pour découvrir une œuvre qui sort un peu des sentiers battus.

Un article de Florian Vallaud

 

CINEMA, DANS TON SALON

Gerardmer 2018 : Rester sur sa faim

Les Affamés.Résultat de recherche d'images pour "les affamés"

Horreur – Québec

Réalisé par Robin Aubert

Avec Marc-André Grondin, Monia Chokri, Charlotte St-Martin

Disponible le 2 Mars 2018 en VOD (Netflix)

Dans la campagne québecoise, Bonin et Vézina chassent un gibier bien particulier : leurs anciens congénères devenus des zombies féroces dévorant tout ce qui passe à leur portée. Voilà des années que le monde est envahi, et les rares survivants voient revenir sur ces terres jadis désertées ces créatures terrifiantes. Il est temps de fuir la horde pour gagner des cieux plus cléments.

Où en serait le film d’horreur sans la figure quasi totémique (et protéiforme) du zombie ? Sans doute devrait-on l’amputer d’une bonne part de sa production. Si le vampire, le loup-garou et autres créatures (de Frankenstein ou non) sont tombées plus ou moins en désuétude, le zombie s’est toujours porté aussi bien que sa santé précaire le lui permettait. Comme tous ses amis les monstres, il a connu des périodes fastes, comme récemment, avec les succès de Walking Dead ou (dans une moindre mesure) du navrant World War Z, et n’a finalement jamais vraiment été oublié par le public et les réalisateurs. Preuve en est qu’il est rare qu’un festival dédié à l’horreur ne compte pas au moins un film de zombie dans sa programmation. Gérardmer 2018 ne fait d’ailleurs pas exception.

Cette année, c’est au canadien Robin Aubert de le faire revenir sur le devant de la scène dans un film bucolique et ne manquant pas d’idées, mais qui laisse un arrière-goût d’inachevé. Nous le disions plus haut, le zombie revêt plusieurs formes, du cadavre réanimé sorti de sa tombe (La Nuit des morts-vivants) au contaminé vociférant barbouillé de sang (28 Jours plus tard), en passant par les infectés par les champignons (The Last girl) ou même transformés en répondant à leur smartphone (Cell Phone). Autant dire que peu d’idées n’ont pas été exploitées.

Les affamés d’Aubert appartiennent plutôt à la seconde catégorie, avec cependant quelques variations qui apportent une tension bienvenue. Dans ce monde, les affamés sont braillards, volontiers stratèges et bâtisseurs à leurs heures perdues. Et c’est là que le bât blesse car ces deux idées sont clairement sous-exploitées. Plus gênant encore, les structures érigées semblent n’avoir aucune utilité concrète ni symbolisme particulier. Elles sont juste là, montant inexorablement à mesure que le film progresse, servant occasionnellement de prétexte à quelques scènes (plutôt réussies au demeurant).

Loin d’être désagréable, cette virée dans l’arrière-pays québecois où règnent forêts profondes, clairières de fougères et petit matin brumeux est plutôt convaincante malgré des personnages plutôt plats. Ce qui lui permet de vraiment sortir son épingle du jeu, c’est sans nul doute sa capacité à nous arracher des rires aux moments les plus tragiques. Entre deux pertes humaines et courses poursuites, les blagues foireuses de Bonin (Marc-André Grondin) par exemple apportent au film une détente à laquelle on ne s’attend pas sans pour autant le dénaturer.

Les Affamés est sans doute mieux mis en scène qu’une large majorité de productions. Il est en outre soutenu par une photographie soignée et un casting bien choisi. Néanmoins on regrette que les idées originales mise en avant n’apportent finalement pas grand-chose à l’ensemble qui reste assez creux. Une petite balade dans la forêt canadienne, ça vous tente ?

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux

CINE-CULTE, CINEMA, DANS TON SALON, Non classé

Le Père-Noël est un sadique

36 15 code Père Noël (1990)

un film de René Manzor

Avec Alain Musy, Patrick Floersheim

Sortie en salle le 17 Janvier 1990

Réédité en dvd et Blu ray

en Décembre 2017

chez Le Chat qui Fume

La fin d’année 2017 a été florissante pour l’éditeur indépendant Le Chat qui fume. Après une belle édition du Retour des Morts-vivants (chroniqué par ici…), ils apportent une nouvelle pierre à leur entreprise de réhabilitation du cinéma de genre français. Davantage qu’une simple pierre, il s’agit d’un joyaux. Film culte de l’ère VHS et des vidé-oclubs, 36 15 code Père Noêl a été oublié des éditeurs durant le règne du DVD. Il n’est hélas pas le seul. Mais le film de René Manzor a pour lui de nombreuses qualités esthétiques et scénaristiques que la réédition permet de voir sous leur meilleur jour. Seul chef d’œuvre du réalisateur, auquel on doit le passable Passage et le pénible Un Amour de sorcière, c’est un summum d’onirisme et d’horreur.

Le soir de Noël, le petit Thomas est seul à la maison avec son grand-père. Sa mère, directrice des magasins Printemps, est obnubilée par son travail. Alors que son meilleur ami instille en lui le doute sur l’existence du Père-Noël, Thomas veut prouver son existence. Il décide de l’attendre sans savoir que ce sont l’horreur et la folie qui vont entrer par sa cheminée.

Sorti la même année que Maman, j’ai raté l’avion, le long-métrage se pose comme mélange atypique pour le cinéma français. Il partage de nombreux thèmes avec le cinéma familial américain de son époque. Les parents sont trop occupés par leur travail et les enfants laissés à l’abandon. Ils organisent alors leur vie autour de leurs préoccupations enfantines. C’est la matière première des productions Amblin. René Manzor s’intègre pleinement dans cette veine. Mais les ressemblances avec la comédie de Chris Colombus s’arrêtent là. 36 15 Code Père Noël varie les genres : onirisme, horreur et une pointe de comédie très légère. C’est surtout que l’histoire racontée est bien plus profonde que celle de Maman, j’ai raté l’avion.

La genèse du film racontée par le jeune Alain Musy, fils du réalisateur, porte en elle une clé essentielle à la compréhension de son thème. L’idée serait venue du jour où il a arrêté de croire au Père-Noël. Ce moment a été subi comme violent par le père qui assistait à « la mort » de l’enfance de son fils. Il transpose ce passage dans une histoire où l’enfant est confronté à un monde adulte incarné par un Père-Noël violent et pervers qui regrette son enfance. Patrick Floersheim porte ce personnage qui ne parle que très peu avec maestria. Il parvient même, par moments, à attirer l’empathie du spectateur pour un sociopathe. Contrairement au jeune héros créé par John Hugues aux États-Unis, celui de Manzor est effrayé et subit difficilement les épreuves qu’il rencontre jusqu’à un acte final qui le marquera à jamais.

René Manzor emballe le tout avec une photographie sublime dans les ton bleutés. Ses plans sont ultra-référencés et travaillés. Il évoque Orson Welles ou Tim Burton. La maquette utilisée pour figurer la maison est d’une beauté gothique renversante. Manzor possède également une notion du rythme qui allie le suspens et l’onirisme. Une séquence avec une locomotive miniature en est l’exemple parfait.

On ne saurait trop remercier Le Chat qui fume de ressortir ce petit bijou qui reste, encore aujourd’hui, une exception française. On ne peut que déplorer qu’il n’y ait pas eu plus d’émules, mais les suppléments proposés par l’éditeur en explique les raisons : mauvaise gestion du distributeur et des critiques qui n’ont pas compris ce que voulait le réalisateur. Il reste pourtant une expérience de cinéma enthousiasmante qu’il faut découvrir dans la magnifique copie qui nous est proposée. Indispensable !

Un article de Florian Vallaud