CINEMA, DANS TON SALON

L’autre Visage de Brando

La Vengeance aux deux visages.Résultat de recherche d'images pour "la vengeance aux deux visages carlotta"

Western – USA

Réalisé par Marlon Brando

Avec Marlon Brando, Karl Malden

Sortie en salles en 1961

Sortie en DVD et Blu-ray chez Carlotta le 11 Juillet 2018

Sonora 1880. Trois bandits, Dad, Doc et Kid, dévalisent la banque. Poursuivis par la milice mexicaine, Kid et Dad décident de se séparer. Finalement arrêté, Kid finit en prison et Dad disparaît dans la nature. Cinq ans plus tard, Kid s’évade et entreprend de retrouver son ancien partenaire. Il le retrouve à Monterey, en Californie, rangé des affaires, shériff et marié. Kid, lui, ourdit sa vengeance.

La Vengeance aux deux visage sfait partie de ces films qu’on pourrait qualifier de légendaire. Déjà parce qu’il s’agit de l’unique réalisation de Marlon Brando, acteur légendaire s’il en est. Ensuite pour les conditions rocambolesques de sa réalisation. À l’origine prévu pour être réalisé par Stanley Kubrick, ce sera finalement Brando qui en assurera la réalisation avec tout ce que ça comptera de débordements : un budget multiplié par six, des heures (peut-être même des jours) de rushs inutiles pour un résultat de plus de 4h40 (soit plus que Le Retour du Roi de Peter Jackson !). Selon Martin Scorsese, qui signe l’introduction éclairante de cette édition haute définition, il existerait même une version de plus de 5h20(!). Totalement inexploitable en l’état, la Paramount fait effectuer un remontage complet du film pour finalement accoucher de cette version de 2h20.

De l’aveu même de Brando, qui gardera une certaine amertume de cette expérience (sans doute une des raisons qui ne le feront plus revenir derrière la caméra), ce remontage ne l’a pas satisfait, et ce, en dépit du succès que le film rencontrera en salles. On peut évidemment le comprendre, et le regretter. Le seul film de Brando, finalement amputé (très amputé même) d’une part de sa vision originelle de réalisateur, on pourrait s’attendre à un massacre. Pour autant ce « Producers’ cut » n’est pas une catastrophe, loin de là, sans doute parce que la vision et le perfectionnisme du réalisateur imprègnent le film malgré tout, comme l’improvisation qui transparaît souvent, donnant authenticité, vivacité et humanité à ses personnages. Autant dire, une révolution au début des 60’s, à plus forte raison dans un western. Et même si Brando regrettait que ce remontage ait lissé les nuances de ses personnages, ces 2h20 de film permettent malgré tout de voir un peu de ce gris qu’il recherchait tant.

Brouillant les frontières entre western et mélodrame, cette version tronquée n’en reste pas moins une belle démonstration de cinéma. Certes, on pourrait lui reprocher une structure très (trop ?) classique (nous avons tout de même affaire à un western), mais sa mise en image splendide, sa direction d’acteurs maîtrisée et les thèmes qu’il aborde respirent la modernité. Qu’il s’agisse de la violence sadique et dissimulée à laquelle se livrent tour à tout Rio, dit le Kid (Marlon Brando), fripouille éminemment sympathique, et Dad Longworth (Karl Malden), truand qui se cache derrière sa façade de shérif, ou du dilemme œdipien qui les lie tous les deux jusqu’à son dénouement nécessaire, La Vengeance aux deux visages marque de son empreinte le cinéma de son époque.

Cette restauration que nous proposent les éditions Carlotta, et initiée par Martin Scorsese et Steven Spielberg, rend un très bel hommage à la seule réalisation du monument Brando. Image éclatante et son clair, le tout encadré de bonus intéressants (l’introduction par Scorsese, évidemment, et un fac-similé du dossier de presse de l’époque en tête) et d’un packaging attrayant. De toute évidence, Carlotta respecte autant les films qu’elle édite que les passionnés qui les regardent. Une très bonne raison de découvrir La Vengeance aux deux visages, autant pour la fresque épique qu’il dépeint que la curiosité cinématographique qu’il représente.

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux