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Demy Montand : Puissance

Trois Places pour le 26 (1988)Résultat de recherche d'images pour "trois places pour le 26"

Un Film Musical de Jacques Demy

Avec Yves Montand, Mathilda May,

Françoise Fabian

Sorti le 23 Novembre 1988

Disponible en Blu Ray et DVD

Prenez la première personne dans la rue, et demandez-lui de citer des films de Jacques Demy. Vous obtiendrez sans aucun doute Les Parapluies de CherbourgLes Demoiselles de Rochefort et probablement Peau d’Âne. On vous parlera de couleurs chamarrées, de danseurs frénétiques et de personnages qui chantent comme ils parlent ou peut être bien le contraire. On vous parlera aussi de sa collaboration artistique avec Michel Legrand ou de son épouse Agnès Varda. Mais peu parleront du dernier film qu’il ait réalisé : Trois Places pour le 26. Il constitue pourtant son point d’orgue. C’est un bilan de carrière pour le réalisateur mais également pour son acteur-star : Yves Montand.

Le chanteur-acteur vedette des « Feuilles Mortes » revient dans sa ville natale pour y créer un spectacle musical sur sa vie. C’est le moment que choisit la jeune Marion de Lambert pour rencontrer son idole et tenter d’entrer dans le show-business au grand détriment de sa mère (Françoise Fabian), autrefois l’amante de Montand. Marion ne sait pas qu’il est son père, il ne le sait pas non plus et semble toujours hanté par la mère.

Le triangle amoureux et freudien qui tient le film apparaît ici clairement. Jacques Demy prolonge alors un thème récurrent dans son œuvre : le rapport filial qu’il pousse à son paroxysme. Si Marion a bien un père, le baron de Lambert, il est absent du film car emprisonné pour malversations. Elle va trouver en Montand un père de substitution qui s’avère être son père biologique. Et si la fée de Peau d’Âne la prévenait « qu’on épouse jamais ses parents », Jacques Demy ne met pas de garde-fou à sa jeune fille ambitieuse et naïve jusqu’à une scène très osée pour l’époque.

Alors qu’une partie des films qui ont fait son succès traitait de jeunes qui voulaient quitter leur province pour monter à Paris, c’est ici le contraire. Le traitement de ce thème tend même à démontrer qu’il fait bon revenir aux sources quand l’ensemble de sa carrière est derrière soi. En ceci, le spectacle de Yves Montand qui nous est montré dans sa quasi-totalité est explicite : si on se souvient d’où on vient, le retour ne peut être que bénéfique. Cela paraît être le discours d’un homme qui sent que sa fin est proche et livre sa dernière œuvre.

Trois places pour le 26 souffre dans sa première partie d’un certain hermétisme. Les années 80 sont très marquées dans les compositions de Legrand et ce n’est pas pour le meilleur. On met un certain temps à y entrer. Mais une fois que Demy pose les jalons de son histoire œdipienne et le ton nostalgique, il emporte le spectateur pour ne le lâcher qu’une fois la dernière image diffusée. La distribution d’une justesse rare y est aussi pour beaucoup. Françoise Fabian rayonne et campe une Marie-Hélène toute en contradictions. Mathilda May capte le regard et la sympathie du spectateur. On a envie qu’elle réalise son rêve plus que tout. Quant à Montand, on sent à chaque instant que le scénario est écrit pour lui et qu’il y a déversé ce que son cœur contenait. Ainsi, sa tirade sur la grandeur de Piaf ou son amour de Simone sont des moments de poésie et d’émotion.

Trois places pour le 26 est une œuvre qui montre que Jacques Demy n’était pas que le réalisateur de la bonne humeur et des scènes colorées à outrance. C’est un Auteur avec un grand A dont l’univers est plus profond qu’il n’y parait, et qu’il convient de revisiter. Il disait de ce film : « On part en chantant sur les escaliers, c’est joyeux, et au fur et à mesure que le film avance, la comédie s’éloigne ». C’est finalement un résumé très juste.

Un article de Florian Vallaud

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Le Père-Noël est un sadique

36 15 code Père Noël (1990)

un film de René Manzor

Avec Alain Musy, Patrick Floersheim

Sortie en salle le 17 Janvier 1990

Réédité en dvd et Blu ray

en Décembre 2017

chez Le Chat qui Fume

La fin d’année 2017 a été florissante pour l’éditeur indépendant Le Chat qui fume. Après une belle édition du Retour des Morts-vivants (chroniqué par ici…), ils apportent une nouvelle pierre à leur entreprise de réhabilitation du cinéma de genre français. Davantage qu’une simple pierre, il s’agit d’un joyaux. Film culte de l’ère VHS et des vidé-oclubs, 36 15 code Père Noêl a été oublié des éditeurs durant le règne du DVD. Il n’est hélas pas le seul. Mais le film de René Manzor a pour lui de nombreuses qualités esthétiques et scénaristiques que la réédition permet de voir sous leur meilleur jour. Seul chef d’œuvre du réalisateur, auquel on doit le passable Passage et le pénible Un Amour de sorcière, c’est un summum d’onirisme et d’horreur.

Le soir de Noël, le petit Thomas est seul à la maison avec son grand-père. Sa mère, directrice des magasins Printemps, est obnubilée par son travail. Alors que son meilleur ami instille en lui le doute sur l’existence du Père-Noël, Thomas veut prouver son existence. Il décide de l’attendre sans savoir que ce sont l’horreur et la folie qui vont entrer par sa cheminée.

Sorti la même année que Maman, j’ai raté l’avion, le long-métrage se pose comme mélange atypique pour le cinéma français. Il partage de nombreux thèmes avec le cinéma familial américain de son époque. Les parents sont trop occupés par leur travail et les enfants laissés à l’abandon. Ils organisent alors leur vie autour de leurs préoccupations enfantines. C’est la matière première des productions Amblin. René Manzor s’intègre pleinement dans cette veine. Mais les ressemblances avec la comédie de Chris Colombus s’arrêtent là. 36 15 Code Père Noël varie les genres : onirisme, horreur et une pointe de comédie très légère. C’est surtout que l’histoire racontée est bien plus profonde que celle de Maman, j’ai raté l’avion.

La genèse du film racontée par le jeune Alain Musy, fils du réalisateur, porte en elle une clé essentielle à la compréhension de son thème. L’idée serait venue du jour où il a arrêté de croire au Père-Noël. Ce moment a été subi comme violent par le père qui assistait à « la mort » de l’enfance de son fils. Il transpose ce passage dans une histoire où l’enfant est confronté à un monde adulte incarné par un Père-Noël violent et pervers qui regrette son enfance. Patrick Floersheim porte ce personnage qui ne parle que très peu avec maestria. Il parvient même, par moments, à attirer l’empathie du spectateur pour un sociopathe. Contrairement au jeune héros créé par John Hugues aux États-Unis, celui de Manzor est effrayé et subit difficilement les épreuves qu’il rencontre jusqu’à un acte final qui le marquera à jamais.

René Manzor emballe le tout avec une photographie sublime dans les ton bleutés. Ses plans sont ultra-référencés et travaillés. Il évoque Orson Welles ou Tim Burton. La maquette utilisée pour figurer la maison est d’une beauté gothique renversante. Manzor possède également une notion du rythme qui allie le suspens et l’onirisme. Une séquence avec une locomotive miniature en est l’exemple parfait.

On ne saurait trop remercier Le Chat qui fume de ressortir ce petit bijou qui reste, encore aujourd’hui, une exception française. On ne peut que déplorer qu’il n’y ait pas eu plus d’émules, mais les suppléments proposés par l’éditeur en explique les raisons : mauvaise gestion du distributeur et des critiques qui n’ont pas compris ce que voulait le réalisateur. Il reste pourtant une expérience de cinéma enthousiasmante qu’il faut découvrir dans la magnifique copie qui nous est proposée. Indispensable !

Un article de Florian Vallaud

CINE-CULTE, CINEMA

Danse avec les lionnes

Les Proies (1971)

Un Film de Don Siegel

Avec Clint Eastwood, Geraldine Page, etc

Sorti le 29 Janvier 1971

Disponible en DVD et Blu Ray chez Universal

 

Si on vous parle de Clint Eastwood, vous penserez à l’acteur et au réalisateur de génie qui nous émerveille à chaque fois avec un sens de la narration néo-classique. Des titres vous viendront comme Gran Torino, Sur la Route de Madison ou ses films avec Sergio Leone où il incarnait un Blondin haut en couleur. Allons maintenant au tout début des années 70, juste à la sortie de sa période Western où il va rencontrer un réalisateur qui va le sortir de cette image de mystérieux héros. Don Siegel a plus d’une vingtaine de films à son actif en 1968, quand il propose à Clint Eastwood d’incarner Un Shérif à New York où se profile la silhouette de l’inspecteur Harry qui suivra l’acteur pendant de longues années. Mais pour déconstruire le mythe du cow-boy, il leur aura suffit d’un film : Les Proies. Alors que le remake de Sofia Coppola sortira en salles ce 23 Août 2017, il nous semblait intéressant de faire un petit arrêt sur le film original.

Durant la guerre de Sécession, le caporal McBurney, nordiste, est retrouvé blessé dans une forêt du sud par une fillette de 13 ans. Elle lui « sauvera la vie » en le traînant jusqu’à la pension de jeunes filles où elle réside, tenue par Martha Fanrswoth (Géraldine Page). Alors que le plan initial était de le livrer aux confédérés, Mrs Fanrsworth change subitement d’avis et décide de le garder avec ses pensionnaires. Les masques vont alors tomber un à un pour révéler le vrai visage de chaque personne dans la maison.

Tout ici est affaire de masques, de faux semblants et de pouvoir de domination. Dès l’instant où le caporal entre dans la maison va s’instaurer un jeu du chat et de la souris. Les personnages disent des choses mais en pensent d’autres qu’on entend en voix off. Ils ont une version de leur histoire qui est confirmée ou, le plus souvent, infirmée par une vision en surimpression de la réalité des faits. Nul n’est aussi bien intentionné qu’il le prétend, et Clint Eastwood casse son image publique en interprétant un personnage antipathique et dont l’issue est imprévisible. Don Siegel joue avec les révélations qu’il donne au compte-goutte au spectateur et crée une tension renforcée par le huis-clos qu’impose la situation. Il utilise la lumière qu’offre les lampes à huile et les bougies pour former des ombres mouvantes sur le visage de ses comédiens. Tout est symbolisme et ce thriller psychologique est aussi un film artistiquement recherché.

Le désir et la sexualité inhérents à son sujet sont l’objet d’un traitement négatif. Il y est question d’inceste, de viol, de relations avec de très jeunes filles. Ces personnages sont rongés par le vice jusque dans leur intimité profonde. Tout ceci est contrebalancé par une interprétation « rassurante » et bien sous tous rapports des comédiens. Chacun tient la tension du film à bout de bras.

Nous n’avons pu tracer ici que les très grandes lignes de ce qu’est le film de Don Siegel. Il faudrait une analyse plus approfondie et plus longue pour en cerner tous les enjeux. Mais nous avons de quoi aborder le film de Sofia Coppola et voir ce qu’il a nous offrir de plus, ou de différent. Résultat dans les salles dès le 23 Août 2017.

CINE-CULTE, CINEMA

Le Retour des tomates tueuses (1988)

Comédie absurdo-horrifique de John De Bello

1h38

Voilà 10 ans que la célèbre guerre des tomates a eu lieu ! 10 ans que le gouvernement américain a interdit leur existence afin qu’un tel drame ne se reproduise plus. 10 ans que le héros de guerre Wilbur Finletter a ouvert sa pizzeria 100 % sans tomates. Mais c’était sans compter sur le terrible Dr. Gangrène et son assistant Igor qui préparent dans l’ombre leur revanche pour qu’enfin le monde connaisse l’avènement des Tomates.

Parodie ou vrai nanar ?

Oui, le résumé de ce film n’est pas vendeur. Une telle histoire ne pourrait aboutir qu’à un navet qu’on ne diffuserait même pas à son pire ennemi, par peur de contrevenir à la convention de Genève. Cependant, ce serait une grosse erreur de juger ce film à son titre grotesque ou à son scénario qui l’est tout autant. Vous n’avez sûrement pas vu le premier opus sorti 10 ans plus tôt, L’Attaque des tomates tueuses. Vous avez probablement raté ses suites aux titres évocateurs : Les Tomates tueuses contre-attaquent et Les Tomates tueuses mangent Paris. Mais ce serait franchement dommage de rater celui-ci qui, dans son genre, est un petit bijou.

Mais quel est son genre, me direz-vous sur un ton un peu sarcastique et agacé ? Dans un premier temps, je vous répondrais que votre scepticisme ne justifie pas de m’agresser verbalement et que ne nous sommes point chez votre grand-mère : « Non mais comment tu me parles ? Tu t’es cru chez mémé ! ». Puis, je reprendrais mon calme et dirais que le film de John De Bello est dans la droite ligne des Zucker-Abraham-Zucker tel que Y-a-t-il un pilote dans l’avion ?. Nous sommes dans une parodie complète et assumée du film de série Z. Le réalisateur et scénariste rend hommage à tout un genre de cinéma qui se soucie moins de la vraisemblance que du fait de respecter un budget souvent mince. On dit parfois que les contraintes financières aident les réalisateurs à se dépasser du point de vue de la créativité et de l’imagination. C’est une réalité, mais hélas ce n’est pas toujours pour le meilleur. Et c’est à ces « mauvais films » de science-fiction et d’horreur que rend hommage John De Bello.

Le film s’ouvre d’ailleurs sur une émission de télévision diffusée en nocturne qui propose à ses rares spectateurs insomniaques de leur présenter un nanar nommé : Le Retour des tomates tueuses. C’est une mise en abîme. Le film que nous allons voir est un film dans le film. Par ce biais, De Bello assume le second degré puisqu’il fait dire à ses personnages que ce que nous allons voir est mauvais. Une fois ce postulat posé, tout est possible et le pire est à craindre : une tomate poilue mutante qui parle, une tomate qui prend forme humaine, un serpent qui miaule, un expert en camouflage déguisé en tomate… Rien ne sera épargné au spectateur dans le gag absurde et délirant.

Une critique du monde du cinéma

Mais c’est dans ses gags, qui cachent une vraie critique, et un certain recul aussi que ce film atteint des sommets. Alors que l’homme de main du Dr Gangrène s’apprête à monter dans un camion pour poursuivre un autre personnage, il s’arrête en pleine action pour demander aux passants qui le regardent s’il y a déjà eu une course poursuite. Les passants lui répondent alors « Non, et ça fait déjà trente minutes que le film a débuté ». Igor monte alors vivement dans le camion, démarre et…fonce dans le mur juste devant lui qui l’interrompt dans sa course folle. Les passants soulignent alors :

« _ c’est la course poursuite la plus courte que j’ai vu !

_ Bah oui, mais ils n’ont pas de budget ».

Allons un petit peu plus loin dans le film, lorsqu’une scène est interrompue par le réalisateur lui-même car il n’a plus de budget pour tourner la suite. Après une longue discussion, un des acteurs ( Georges Clooney himself), déclare «  On est dans les années 90 ! Quand on veut boucler un film, on fait du placement de produit ! ». C’est tout un fonctionnement des mécanismes hollywoodiens qui est ici parodié. Celui des scénarios cousu de fil blanc où il y a forcément une course poursuite dans la première partie du film, afin que le public ne s’ennuie pas. Celui des films où le héros s’arrête lors d’un combat dantesque contre des Transformers pour siroter une bière avec le logo en gros plan.

Un divertissement réussi et mésestimé

Le retour des tomates tueuses est une comédie jouissive et franchement réussie. On y rit beaucoup, les dialogues fusent et visent juste, même quand ils se veulent stéréotypés. Georges Clooney a coutume de dire que ce film est mauvais et qu’il ne l’assume pas. Mais à force de dévaluer lui-même tous les films dans lesquels il a tourné, on peut finir par se demander s’il a un jour fait de bons choix au cours de sa carrière. Cette critique est volontairement évasive quant au développement de l’histoire et de ses personnages car c’est aussi ce qui fait le sel de ce genre d’histoire : comment l’absurde et la folie du scénario se ramifie jusque dans ceux qui l’habitent.

Comme souvent au cinéma, tout est une question de positionnement. Si on prend le film au premier degré, on tient là un navet digne de Ed Wood. Mais serait-il devenu aussi culte s’il était si mauvais que cela ? En revanche, si on le regarde tel qu’il est présenté dès les premières images, comme une parodie de mauvais film, il est plutôt réussi dans son genre et remplit très bien son office. Alors saisissez-vous du DVD, commandez une bonne pizza, invitez quelques potes et passez une bonne soirée. Et ne vous avisez plus d’avoir ce ton méprisant avec moi quand je vous parle de cinéma culte !

article rédigé par FV