CINEMA, EN SALLE

I’ve been cheated by you, and i think you know when…

Mamma Mia – Here we go again ! (2018)Résultat de recherche d'images pour "mamma mia 2"

Comedie Musicale

Un film de Ol Parker

Avec Amanda Seyfried, Lily James, etc

Sortie le 25 Juillet 2018

Distribué par Universal France 

Il y a tout juste dix ans, un film naïf et frais débarquait sur nos écrans de cinéma. Cette adaptation d’un succès de la scène anglo-saxonne relevait de l’improbable. Qui aurait pu imaginer Pierce Brosnan, Colin Firth ou Meryl Streep chanter et danser sur les meilleurs tubes du groupe ABBA ? Et pourtant, la recette fonctionnait. Peut-être grâce au plaisir communicatif du casting ou à la fibre nostalgique qu’instaure immédiatement un titre du groupe suédois. Toujours est-il que le film est devenu culte et qu’il remplit encore les salles dix ans après pour des séances karaoké.

On croyait avoir échappé à une suite inutile. On pensait qu’Universal garderait sa pépite telle qu’elle était, mais non ! Il a fallu qu’ils mettent un deuxième film en chantier. Un deuxième film auquel personne ne croyait, Amanda Seyfried en tête comme elle l’a déclaré dans une interview. Les fans tremblaient et ils avaient raison.

Rien n’était fait pour nous rassurer : le retour de Meryl Streep trop longtemps incertain, les chansons qui seraient utilisées puisqu’ils avaient usé tous les grands tubes, l’histoire qui nous serait contée, etc… Dès lors, on ne peut pas dire que ce film soit une déception tant le désastre était annoncé. Au moins, il est cohérent avec ce qu’on en attendait : rien. Enfin, nous espérions tout de même d’avoir tort. Ô doux espoir !

L’histoire est tellement simple qu’en vous racontant le début du film, on vous en raconte aussi la fin. Sophie (Amanda Seyfried) organise la réouverture de l’hôtel de Donna (Meryl Streep) après son décès. En parallèle, nous suivons la jeunesse de Donna (Lily James) qui va rencontrer trois hommes à la suite. On en connaît la fin. Et c’est d’ailleurs le premier défaut scénaristique du film : il n’y a jamais d’enjeu. À ne jamais vouloir choisir entre le préquel ou le sequel, Ol Parker n’en traite aucun des deux.

Dans son intrigue du passé, il accumule les révélations qu’on connaît déjà. On nous raconte une histoire qu’on avait très bien saisie dans le premier. Rien de plus ! Rien de plus, mais tout de même des choses en moins. Ainsi, il charcute le travail de Catherine Johnson, scénariste du premier film et auteur de la comédie musicale. Il réduit les personnages à des caricatures. Donna, dont la jeunesse était dépeinte comme celle d’une femme forte, indépendante et à la sexualité libérée devient esclave de son cœur et prude. Elle semble s’excuser de coucher avec Bill, Sam ou Harry. C’est un contre-sens. Et il fait la même chose sur les autres personnages.

La distribution d’origine s’en rend d’ailleurs compte et tourne en mode automatique. Seule Julie Walters trouve une occasion de faire le clown. Mais ramer sur un paquebot ne sert à rien. Pour ce qui sont des autres, ils sont fantomatiques. Ils déroulent leurs textes et leurs chansons sans énergie. Ce sentiment culmine dans une reprise de Dancing Queen qui référence la même séquence dans le premier opus. Un plan sur le regard de Christine Baransky dévoile qu’elle se demande ce qu’elle fait là. Puis, elle repense aux zéros sur le chèque, et ça va mieux. Le sentiment du spectateur est le même, tout ceci a un goût de réchauffé dans un micro-onde qui marche mal.

Prenons aussi quelques instants pour vous parler de l’usage abusif de la publicité mensongère autour du film. En effet, cela ne vaut pas le coup de parler des jeunes comédiens qui assurent la partie préquel tant ils sont anecdotiques, transparents et choisis uniquement pour leurs beaux minois. Le public attend la grosse annonce, l’élément incontournable de cette suite : la participation de la déesse Cher. Tâchez d’en profiter, elle n’est là que dix minutes. C’en est d’ailleurs dommage tant elle éclaire l’écran et offre une interprétation inoubliable de Fernando avec un Andy Garcia transi. Ne parlons pas de Meryl Streep, au centre sur l’affiche qui ne dépasse pas les 5 minutes de présence à l’écran (sauf si on compte toutes les photos d’elle). À ce compte-là, Marvel devrait penser à mettre Stan Lee sur ses affiches.

Reste le plaisir intact d’entendre les titres d’ABBA qui apporte un vent frais bienvenu en cet été caniculaire. Ils sont particulièrement bien arrangés par Benny Anderson et Bjon Ulvaeus mais servis par une mise en scène à la ramasse. Ce qui n’est pas étonnant quand on sait que le réalisateur lui-même avoue ne pas s’y connaître en comédie-musicale et avoir demandé des conseils à sa fille de 22 ans. Il nous semble que ça résume bien le sérieux de l’entreprise.

Mamma Mia – Here we go again ! est une déception de chaque instant et n’est sauvé de la poubelle que par sa bande originale enthousiasmante qui vous fera bouger sur votre siège. Dommage qu’il soit réalisé comme un mauvais épisode de Glee et, visiblement, sans amour pour le film d’origine. On prend plaisir à retrouver les personnages qu’on a aimé mais on les voit fatigués et lassés. Comment pourrait-il en être autrement devant autant de vide ?

CINEMA, EN SALLE

Le Piège de cristal infernal

Skyscraper.Résultat de recherche d'images pour "skyscraper"

Action – USA

Réalisé par Rawson Marshall Thurber

Avec Dwayne Johnson, Neve Campbell, Chin Han…

Sortie en salles le 11 Juillet 2018

Distribué par Universal 

À Hong Kong, l’homme d’affaire Zhao Long Zhi inaugure son chef-d’œuvre, The Pearl, le plus grand et le plus moderne des bâtiments jamais construits. Mais avant de pouvoir l’ouvrir au public, il confie à Will Sawyer (Dwayne Johnson) le soin de mener un audit de sécurité. Il n’a cependant pas le temps de mener sa mission à bien qu’une bande de gangsters attaque l’immeuble. Bien malgré lui, Sawyer se retrouve impliqué quand il apprend que sa famille est coincée dans le gratte-ciel à présent en flammes.

Aussi sûr que les feuilles tombent des arbres en automne, les blockbusters fleurissent en été. Après l’imposant Jurassic World – Fallen Kingdom, et en attendant le prometteur Mission Impossible – Fallout, c’est Skyscraper qui vient occuper le terrain de la grosse production dopée aux effets spéciaux, pour un résultat qu’on pourra qualifier de plutôt convaincant. Pour cette seconde collaboration entre le réalisateur Rawson Marshall Thurber et l’acteur Dwayne Johnson (la première ayant eu lieu sur Agents presque secrets), le réalisateur (à qui on doit entre autres Dodgeball et Les Miller) délaisse la comédie pour un film d’action pur et dur.

Ou du moins, un film d’action pur, car s’il lorgne allègrement du côté de La Tour infernale et surtout de Die Hard (et de son utilisation toute personnelle du chatterton), il n’en atteint pas les intensités dramatiques. Nous sommes loin de souffrir des péripéties de Will Sawyer autant que de celles de John McLane. La faute en partie aux circonstances sans doute. Quand McLane se retrouve fortuitement emprisonné au sein du Nakatomi Plaza, Sawyer cherche ouvertement à entrer dans The Pearl. Ensuite parce que Skyscraper assume son identité de blockbuster estival. Ici, point de suspense superflu. Point de suspense, en fait. Les scènes les plus dramatiques trouvent un dénouement idéal, pour ne pas dire attendu. D’autant plus dommage pour un film exploitant plutôt intelligemment l’aspect technologique de son décor, tout en insérant taupes et faux-semblants tout au long de son déroulement. On est rarement surpris, mais l’ensemble laisse la part belle à Dwayne Johnson et ses habituels tours de force.

Qu’il s’agisse de se castagner en dévastant un appartement ou de sauter de la flèche d’une grue jusque sur la façade éventrée d’un gratte-ciel, l’immense Dwayne Johnson défend sa réputation de figure du cinéma d’action sans forcer son talent, même si on notera que son registre dramatique est encore (très) perfectible. En campant cet ancien membre des forces spéciales (encore…) ayant raccroché les armes, père de famille et mutilé (Will Sawyer ayant été amputé lors de sa dernière mission), on aurait pu s’attendre à un peu plus de nuances. S’il feint plutôt bien le manque d’assurance de ce personnage encore affaibli, sa démarche claudicante n’est pas aussi convaincante, d’autant que ça ne semble pas le gêner outre mesure quand il s’agit d’escalader ou de sauter. Un détail du scénario qui reste à l’état de détail, pour un potentiel message positif qui reste donc à l’état d’anecdote.

Pour autant, on ne peut retirer à Skyscraper son statut de film d’action très décent. De sa mise en scène dynamique et maîtrisée, à ses effets spéciaux vraiment impressionnants, tout concourt à offrir au spectateur un divertissement sans temps mort et visuellement taillé pour la 3D, d’où certainement cette appétence pour les plans verticaux (mais si on ne joue pas avec les plans plongés dans un film littéralement intitulé « gratte-ciel », quand peut-on le faire finalement ?)

S’il ne se hisse pas à la hauteur des modèles dont il s’inspire, sans pour autant chercher à s’en cacher une seule seconde, Skyscraper a tous les arguments pour permettre aux amateurs d’action débridée de passer un très bon moment à l’abri des chaleurs estivales. Débranchez votre cerveau et savourez.

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux

CINEMA, EN SALLE, Non classé

The lost world rising

Jurassic World – Fallen KingdomRésultat de recherche d'images pour "jurassic world fallen kingdom affiche"

Aventure, Science-Fiction, Thriller – USA

Réalisé par Juan Antonio Bayona

Avec Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Rafe Spall…

Sortie en salle le 6 Juin 2018

Trois ans se sont écoulés depuis la chute de Jurassic World. Claire Dearing (Bryce Dallas Howard), ancienne directrice du parc, se consacre à présent à la protection des résidents survivants d’Isla Nublar. Alors que le volcan de l’île menace d’entrer en éruption, une opération de sauvetage est commanditée par Benjamin Lockwood (James Cromwell), ancien associé de feu John Hammond, pour rapatrier sur le continent 11 espèces, parmi lesquelles Blue, la dernière des vélociraptors. Une mission qui ne peut être accomplie que par l’ancien dresseur de raptors Owen Grady (Chris Pratt). Mais cette opération ne cacherait-elle pas des desseins moins idéalistes qu’il n’y paraît ?

Quand Jurassic World a été annoncé, plus de 10 ans après un Jurassic Park III en demi-teinte, personne ne l’attendait plus, mais l’intérêt fut immédiat. Reboot autant que suite, il tirait un trait sur les 2 derniers épisodes de la saga initiée par Steven Spielberg, faisant déjà tiquer les fans avant même qu’on en sache plus à son sujet. À sa sortie en salles, l’enthousiasme est pourtant là et le succès aussi, en dépit d’un fan-service parfois à la limite du prosélytisme. Colin Trevorrow avait accouché d’un divertissement de très bonne qualité, tout en mettant sous couveuse les œufs d’une potentielle suite. Aujourd’hui, ces œufs ont éclos. Reste à savoir si le bébé est viable.

Inutile de ménager le suspense, la réponse est un oui, sans doute aussi grand que Roberta, la T-Rex vedette du parc. Et ne nous mentons pas, tous les doutes étaient permis et le pari loin d’être gagné d’avance. Le premier Jurassic Worlds ouffrait de certaines faiblesses (une surenchère un peu vaine, des références parfois lourdes, des personnages pas forcément très fouillés…), lançait des pistes floues et n’existait finalement qu’à la perspective d’une suite. Nous-mêmes, tandis que nous le chroniquions, nous craignions un bis du The Lost World de Spielberg, et jusqu’au visionnage, les similitudes semblaient tellement énormes (l’opération de sauvetage sur l’île, l’exfiltration clandestine des dinosaures, l’incursion d’un prédateur sur le continent) qu’on s’attendait à un nouveau film de fans, gonflé à la surenchère mésozoïque et saturé de références en tout sens. Jurassic World n’était pour ainsi dire qu’un Jurassic Park 2.0 : plus gros, plus impressionnant, plus désastreux. Attendu au tournant, Fallen Kingdom évite les croches-pieds avec élégance et même une certaine insolence, se permettant des pointes d’humour bienvenues. Il affiche en outre une bien plus grande ambition, tant sur le fond que sur la forme.

Contrairement à d’autres franchises (Star Wars. pour reprendre un exemple de franchise récemment rebooté), Jurassic World – Fallen Kingdom a déjà le bon goût de ne pas jeter à la poubelle les lignes lancées dans l’opus précédent. Et la pêche est plutôt fructueuse. Les nébuleux projets du trouble docteur Henry Wu (B.D. Wong) reviennent à la charge, et la prophétie de feu Vic Hoskins (Vincent d’Onofrio) est devenue réalité. Indominus Rex est mort, mais son héritage perdure et perdurera encore longtemps. Certes, on pourrait arguer qu’en empilant à la fois les dérives de la recherche génétique, la menace des armes biologiques, le manque d’éthique et le mépris humain pour les animaux, on prend le risque de passer à côté de son sujet. Et pourtant, Colin Trevorrow et Derek Connolly nous emportent et savent de toute évidence où ils vont. L’écriture est cohérente et le message a un sens.  On pourra tout juste lui reprocher quelques partis pris un peu radicaux (des méchants sans nuances, peu de surprises), ainsi que quelques incohérences et invraisemblances de ci, de là. On parle là de quelques secondes sur un film de plus de 2h00, loin de tirer l’œuvre vers le bas.

C’est d’autant plus pardonnable que le travail de mise en scène du réalisateur Juan A. Bayona est pour ainsi dire exceptionnel. Ayant débauché une partie de l’équipe ayant participé à ses autres réalisations (entre autres Oscar Faura à la photographie et Bernat Vilaplana au montage), l’espagnol sublime littéralement Fallen Kingdom par son sens de la mise en scène. Le débarquement de Grady, Dearing et leurs accompagnateurs sur l’île, à bord de leur petit coucou, nous donne le même frisson que l’arrivée de l’hélicoptère à Jurassic Park voilà 25 ans. L’Île des Brumes a rarement été aussi sublime. Ne cachant pas son amour pour les nuits d’orage, l’angoisse qu’ils suscitent et surtout leur éclairage particulier, Bayona joue habilement sur les clairs-obscurs, les ombres mouvantes et les reflets, reprenant l’esthétique sombre du film d’horreur classique sans pour autant céder à l’appel de l’horreur pure. On tremble peu, c’est vrai, mais la tension n’en demeure pas moins palpable. Quant aux plans et aux images, ils sont absolument splendides.

Sensé et sensible, Jurassic World – Fallen Kingdom se taille à coups de griffes et de crocs une place de choix au rang des rares blockbusters né avec un cerveau et un cœur. Haletant de bout en bout et distillant ses références avec plus de subtilité que son aîné, il pose habilement les fondations de sa conclusion. Et c’est avec une impatience bien moins ironique que nous attendons la suite.

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux

CINE-CULTE, CINEMA

Danse avec les lionnes

Les Proies (1971)

Un Film de Don Siegel

Avec Clint Eastwood, Geraldine Page, etc

Sorti le 29 Janvier 1971

Disponible en DVD et Blu Ray chez Universal

 

Si on vous parle de Clint Eastwood, vous penserez à l’acteur et au réalisateur de génie qui nous émerveille à chaque fois avec un sens de la narration néo-classique. Des titres vous viendront comme Gran Torino, Sur la Route de Madison ou ses films avec Sergio Leone où il incarnait un Blondin haut en couleur. Allons maintenant au tout début des années 70, juste à la sortie de sa période Western où il va rencontrer un réalisateur qui va le sortir de cette image de mystérieux héros. Don Siegel a plus d’une vingtaine de films à son actif en 1968, quand il propose à Clint Eastwood d’incarner Un Shérif à New York où se profile la silhouette de l’inspecteur Harry qui suivra l’acteur pendant de longues années. Mais pour déconstruire le mythe du cow-boy, il leur aura suffit d’un film : Les Proies. Alors que le remake de Sofia Coppola sortira en salles ce 23 Août 2017, il nous semblait intéressant de faire un petit arrêt sur le film original.

Durant la guerre de Sécession, le caporal McBurney, nordiste, est retrouvé blessé dans une forêt du sud par une fillette de 13 ans. Elle lui « sauvera la vie » en le traînant jusqu’à la pension de jeunes filles où elle réside, tenue par Martha Fanrswoth (Géraldine Page). Alors que le plan initial était de le livrer aux confédérés, Mrs Fanrsworth change subitement d’avis et décide de le garder avec ses pensionnaires. Les masques vont alors tomber un à un pour révéler le vrai visage de chaque personne dans la maison.

Tout ici est affaire de masques, de faux semblants et de pouvoir de domination. Dès l’instant où le caporal entre dans la maison va s’instaurer un jeu du chat et de la souris. Les personnages disent des choses mais en pensent d’autres qu’on entend en voix off. Ils ont une version de leur histoire qui est confirmée ou, le plus souvent, infirmée par une vision en surimpression de la réalité des faits. Nul n’est aussi bien intentionné qu’il le prétend, et Clint Eastwood casse son image publique en interprétant un personnage antipathique et dont l’issue est imprévisible. Don Siegel joue avec les révélations qu’il donne au compte-goutte au spectateur et crée une tension renforcée par le huis-clos qu’impose la situation. Il utilise la lumière qu’offre les lampes à huile et les bougies pour former des ombres mouvantes sur le visage de ses comédiens. Tout est symbolisme et ce thriller psychologique est aussi un film artistiquement recherché.

Le désir et la sexualité inhérents à son sujet sont l’objet d’un traitement négatif. Il y est question d’inceste, de viol, de relations avec de très jeunes filles. Ces personnages sont rongés par le vice jusque dans leur intimité profonde. Tout ceci est contrebalancé par une interprétation « rassurante » et bien sous tous rapports des comédiens. Chacun tient la tension du film à bout de bras.

Nous n’avons pu tracer ici que les très grandes lignes de ce qu’est le film de Don Siegel. Il faudrait une analyse plus approfondie et plus longue pour en cerner tous les enjeux. Mais nous avons de quoi aborder le film de Sofia Coppola et voir ce qu’il a nous offrir de plus, ou de différent. Résultat dans les salles dès le 23 Août 2017.

CINEMA, EN SALLE

Mushroom Powers

The Last girl (The Girl with all gifts).

Thriller-Horreur R.U. (2017)

Réalisé par Colm McCarthy

Distribué par La Belle Company

Sortie en salle le 28 Juin 2017

Dans une base militaire perdue dans la campagne anglaise, des savants s’évertuent à faire la classe à une bande d’enfants contaminés par un pathogène les transformant en zombies cannibales. Au milieu de ces enfants presque apathiques, Mélanie petite fille en apparence curieuse et éveillée détonne.

Le propre du zombie, c’est de revenir. Depuis sa remise au goût du jour par des œuvres telles que The Walking Dead, le zombie en a vu de toutes les couleurs. Marcheur putréfié, coureur ensanglanté, coincé dans un immeuble, déambulant dans les coursives d’une base, parfois même venu de l’espace, débile, pensant, et même émouvant… même les animaux s’y sont mis. Autant dire qu’on en arrive à se demander quelle sera la prochaine idée des producteurs pour tenter de nous surprendre (en bien ou en mal).

The Last girl ne prétend pas révolutionner le genre, loin de là. L’angoisse ne monte que modérément. Les zombies courent, meurent d’une balle dans la tête et mordent comme des chiens enragés, jusque là, rien de nouveau (mais est-il besoin de changer cette mécanique ?). Néanmoins, il est indéniable que son propos se démarque de la majorité de ses prédécesseurs. Lorsqu’on parle de zombies, il y a en général deux écoles. La première consiste à ne pas expliquer l’origine de l’épidémie zombie. The Last girl appartient à la seconde catégorie, celle qui cherche à y trouver une explication. Pour une fois, la réussite est indéniable, tant du point de vue de l’originalité que de la crédibilité. Et non contente de nous offrir une explication qu’on avait encore jamais vue et qui tienne la route, l’histoire écrite par Mike Carey nous offre en plus un final d’un pessimisme achevé comme on en voit encore plus rarement. Ajoutant à cela des décors criants de réalisme, plus particulièrement une Londres magnifiquement mise en images, envahie par une abondante végétation héritée des zones abandonnées telle que Prypiat (Ukraine) où l’équipe a eu l’occasion de se rendre en repérage (entre autres).

On peut juste regretter que les relations entre les personnages n’aient pas subi de traitement aussi rigoureux, tout comme on pourra douter de l’intérêt de faire la classe à une bande de zombies. Certes observer leur comportement et leurs facultés peut sembler d’un intérêt certain, mais cet intérêt se perd dès lors qu’on les sait voués à la dissection. De la même manière, le scénario tourne autour de la relation particulière entre la jeune Mélanie (Sennia Nanua) et Helen Justineau (Gemma Arterton), un point qui fait lien entre début et fin, mais se trouve parasitée par celle entretenue par Mélanie et le docteur Caldwell (Glenn Close), qui crève littéralement l’écran et relègue Justineau au rang de rôle secondaire (ce qu’elle n’est pas censée être). On peut au moins saluer l’effort de boucler ces arcs de manière satisfaisante. On ne peut pas en dire autant des liens noués avec le sergent Parks (Paddy Considine) et Gallagher (Fisayo Akinade), qui nous laissent un peu sur notre faim.

Ne gâchons pas tout. Même si on peut lui reprocher de ne pas être assez angoissant et original dans les situations qu’il met en scène, The Last girl n’en est pas moins une bouffée d’air frais dans la putréfaction qui semblait s’être emparé de l’univers des films de zombies. Intelligent dans son concept et non dénué d’une philosophie environnementaliste souvent négligée, les amateurs du genre ne devraient pas le laisser passer.

Un article de GBP

CINEMA, EN SALLE

I want my mummy !

La Momie, Film fantastique USA (2017)

Réalisé par Alex Kurtzman

Sortie en salle le 14 Juin 2017

Une princesse égyptienne, rayée de la succession par la descendance de son frère, passe un pacte avec Seth et massacre tous ceux qui la séparent de son accession au trône. Arrêtée avant d’avoir accompli son rituel, elle est momifiée vivante et enterrée au fin fond du désert. Plusieurs milliers d’années plus tard, son tombeau est découvert par hasard par deux chasseurs de trésors. En la déterrant, ils ne se doutent pas de l’horreur qu’ils vont déverser sur le monde.

Disney avec Marvel et Warner avec DC se livrent depuis plus de 6 ans une bataille acharnée à coups de super-héros tout de lycra et de cuir vêtus (avec un net avantage pour Disney, tant par la quantité que la qualité), se partageant un marché de plusieurs centaines de millions de dollars. Il n’en fallait certainement pas plus pour titiller l’imagination d’autres poids-lourds du secteur, à commencer par Universal. Impossible de les concurrencer sur les super-héros cependant. Marvel et DC sont les plus grosses écuries et aucune autre ne dispose d’un univers aussi touffu et populaire. Qu’à cela ne tienne, pourquoi ne pas puiser dans un bestiaire tout aussi populaire mais un peu oublié ? Car fut un temps (lointain maintenant) où Universal régnait en maître incontesté du film de monstres (d’horreur serait exagéré à présent). Dracula, immortalisé par l’inquiétant Bela Lugosi, c’était eux. Le loup-garou, interprété par Lon Chaney Jr, encore eux. Et la Momie, sous les bandelettes de laquelle se cachait l’immense Boris Karloff, toujours eux. Il était temps pour Universal que tout ce beau monde (et d’autres) revienne faire frémir les spectateurs, et sous l’égide du nouveau label Dark Universe, c’est à la Momie d’ouvrir le bal des Monstres (après le faux-départ Dracula Untold en 2014).

85 ans après Karl Freund et 18 ans après Stephen Sommers, c’est donc au tour d’Alex Kurtzman de faire prendre l’air à cette poussiéreuse et inquiétante créature née de l’imagination enflammée par le non moins incroyable engouement pour l’égyptologie qui a gagné l’Occident jusque dans les années 1930. Un engouement qui ne se dément toujours pas, même si les momies et la perspective qu’elles reprennent vie ont fini d’effrayer même les plus sensibles.

Si on ne peut pas en vouloir à Freund d’avoir joué cette carte en 1932 (avec succès, son film est sans conteste un monument du genre), Sommers avait compris qu’il pourrait difficilement obtenir le même résultat avec le public de 1999, d’où la généreuse dose d’humour et le rocambolesque des situations vécues par ses héros. Il apparaît dans cette nouvelle itération qu’Alex Kurtzman l’a aussi compris. Il suffit d’observer le cabotinage de l’inoxydable Tom Cruise pour s’en persuader. On peut en revanche douter de la clairvoyance des studios Universal. Tout à leur joie de mettre en route leur « Dark Universe », ils ont oublié que les bons vieux monstres n’effraient (hélas) plus. Quand Warner se savait pas trop quoi faire avec l’univers DC, Universal s’entête à vouloir rendre à nouveau effrayants ses monstres légendaires.

Avec La Momie, les studios accouchent d’un blockbuster inepte, qui massacre l’Égypte ancienne d’une main en passant à la moulinette le concept de la momie de l’autre. Si on saurait excuser à un film des années 30 de ne pas être exact d’un point de vue historique (Une période où, il faut bien l’admettre, le respect des cultures autres qu’occidentales n’allait pas de soi), ou fermer les yeux sur quelques inexactitudes qui feraient tiquer un égyptologue, ça devient problématique dés lors qu’un collégien saurait remettre en question certaines affirmations portées par le film (Seth, Dieu de la Mort ? Sérieusement ?). On passera également sur le lieu où est enterrée la momie, en plein Irak (très loin des frontières de l’ancien empire égyptien), afin de pouvoir surfer sur l’actualité et mettre en scène une bande de soldats yankees devenant soudainement des mécènes adeptes du sauvetage de trésors archéologiques.

Quant à la momie… Eh bien, une fois le prologue passé, on oublie assez rapidement qu’on a affaire à une momie. Plutôt une sorte de sorcière qui, quand elle n’apparaît pas en contre-jour à moitié nue, passe son temps à brailler et à tenter de séduire Nick Morton (Tom Cruise). Il faut bien admettre que les bandelettes et la démarche raide n’ont rien de sexy. La faute n’est pas à mettre au compte de Sofia Boutella. Au contraire, elle assume son rôle avec toute la sensualité demandée (et on ne lui demande que bien peu de choses en plus). Le personnage d’Ahmanet est juste une belle potiche bien creuse, et on ne cessera de s’interroger de l’intérêt qu’elle avait à faire appel à des forces supérieures pour se faire refiler un couteau et faire le boulot elle-même.

Les autres personnages ne rattrapent pas vraiment le coup, tant ils souffrent d’une présence ténue. Le camarade fantôme de Morton, que lui seul peut voir après qu’il ait subi la malédiction de la momie (Coucou, Le Loup-Garou de Londres !) aurait pu être un moteur, soit d’humour, en apparaissant au pire moment, soit de peur, avec sa mine de déterré. Il n’est finalement qu’un prétexte à quelques scènes inutiles et transparentes. Reste le Dr Jekyll, dont la présence dans ce foutoir relève plus de l’incongruité que de l’intérêt scénaristique. Au mieux doit-on admettre qu’il est beaucoup moins ridicule que son pendant de La Ligue des Gentlemen extraordinaires. Admettons aussi qu’il partait de loin.

La Momie enchaîne tant d’incohérences et de facilités qu’on en oublie le but premier d’un blockbuster de ce genre : nous divertir. Ses effets spéciaux et ses cascades impeccables, et son récit, certes haletant, mais sans relief, ne nous feront pas oublier ses personnages ternes et son manque d’idée. On s’ennuie ferme. En oscillant entre terreur et décontraction, sans parvenir à atteindre l’un ou l’autre, La Momie pose le Dark Universe sur des bases au combien bancales. Charge à L’Homme invisible de rattraper le coup…

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux