CINE-CULTE, CINEMA, DANS TON SALON, Non classé

Le Père-Noël est un sadique

36 15 code Père Noël (1990)

un film de René Manzor

Avec Alain Musy, Patrick Floersheim

Sortie en salle le 17 Janvier 1990

Réédité en dvd et Blu ray

en Décembre 2017

chez Le Chat qui Fume

La fin d’année 2017 a été florissante pour l’éditeur indépendant Le Chat qui fume. Après une belle édition du Retour des Morts-vivants (chroniqué par ici…), ils apportent une nouvelle pierre à leur entreprise de réhabilitation du cinéma de genre français. Davantage qu’une simple pierre, il s’agit d’un joyaux. Film culte de l’ère VHS et des vidé-oclubs, 36 15 code Père Noêl a été oublié des éditeurs durant le règne du DVD. Il n’est hélas pas le seul. Mais le film de René Manzor a pour lui de nombreuses qualités esthétiques et scénaristiques que la réédition permet de voir sous leur meilleur jour. Seul chef d’œuvre du réalisateur, auquel on doit le passable Passage et le pénible Un Amour de sorcière, c’est un summum d’onirisme et d’horreur.

Le soir de Noël, le petit Thomas est seul à la maison avec son grand-père. Sa mère, directrice des magasins Printemps, est obnubilée par son travail. Alors que son meilleur ami instille en lui le doute sur l’existence du Père-Noël, Thomas veut prouver son existence. Il décide de l’attendre sans savoir que ce sont l’horreur et la folie qui vont entrer par sa cheminée.

Sorti la même année que Maman, j’ai raté l’avion, le long-métrage se pose comme mélange atypique pour le cinéma français. Il partage de nombreux thèmes avec le cinéma familial américain de son époque. Les parents sont trop occupés par leur travail et les enfants laissés à l’abandon. Ils organisent alors leur vie autour de leurs préoccupations enfantines. C’est la matière première des productions Amblin. René Manzor s’intègre pleinement dans cette veine. Mais les ressemblances avec la comédie de Chris Colombus s’arrêtent là. 36 15 Code Père Noël varie les genres : onirisme, horreur et une pointe de comédie très légère. C’est surtout que l’histoire racontée est bien plus profonde que celle de Maman, j’ai raté l’avion.

La genèse du film racontée par le jeune Alain Musy, fils du réalisateur, porte en elle une clé essentielle à la compréhension de son thème. L’idée serait venue du jour où il a arrêté de croire au Père-Noël. Ce moment a été subi comme violent par le père qui assistait à « la mort » de l’enfance de son fils. Il transpose ce passage dans une histoire où l’enfant est confronté à un monde adulte incarné par un Père-Noël violent et pervers qui regrette son enfance. Patrick Floersheim porte ce personnage qui ne parle que très peu avec maestria. Il parvient même, par moments, à attirer l’empathie du spectateur pour un sociopathe. Contrairement au jeune héros créé par John Hugues aux États-Unis, celui de Manzor est effrayé et subit difficilement les épreuves qu’il rencontre jusqu’à un acte final qui le marquera à jamais.

René Manzor emballe le tout avec une photographie sublime dans les ton bleutés. Ses plans sont ultra-référencés et travaillés. Il évoque Orson Welles ou Tim Burton. La maquette utilisée pour figurer la maison est d’une beauté gothique renversante. Manzor possède également une notion du rythme qui allie le suspens et l’onirisme. Une séquence avec une locomotive miniature en est l’exemple parfait.

On ne saurait trop remercier Le Chat qui fume de ressortir ce petit bijou qui reste, encore aujourd’hui, une exception française. On ne peut que déplorer qu’il n’y ait pas eu plus d’émules, mais les suppléments proposés par l’éditeur en explique les raisons : mauvaise gestion du distributeur et des critiques qui n’ont pas compris ce que voulait le réalisateur. Il reste pourtant une expérience de cinéma enthousiasmante qu’il faut découvrir dans la magnifique copie qui nous est proposée. Indispensable !

Un article de Florian Vallaud