Théâtre

It’s a silly place !

Spamalot

Un musical d’Eric Idle et John Du Prez

Mis en scène par Pierre-François Martin Laval

Depuis le 23 septembre 2023

Au Théâtre de Paris (75009)

 

Vous vous en rendrez bien vite compte, l’auteur de cet article est un amoureux transi de comédies musicales. Attention ! Les vraies ! Pas celles dont la France nous a abreuvé au début des années 2000. Je n’attends pas avec une folle impatience la nouvelle production de Dove Attia, Molière l’Opéra urbain. Je ne m’émoustille pas du retour des Dix Commandements, même si je dois bien avouer que la guerre intestine entre Pascal Obispo et Elie Chouraqui me fait plutôt rire. Non ! Je parle de celles dont les principes fonctionnent sur une alternance de scènes jouées et de morceaux chantés qui font avancer l’intrigue. Celles dont tous les éléments artistiques concourent à raconter une histoire. Nous y reviendrons plus tard mais ces œuvres existent en France, il suffit de les chercher. Ceux qui suivaient ce site il y a 5 ans le savent. Pour les autres, les articles sont toujours en ligne.

Toutefois, on ne peut pas nier que la plupart des pièces connues sont anglosaxonnes. Fort heureusement, quelques théâtres se sont chargés de nous les transmettre depuis environ 15 ans. La Mélodie du bonheur, Grease, Sweeney Todd, Le Roi Lion, Sister Act, Haispray, La Famille Addams, Frankenstein Junior…et le génial Spamalot. Cette adaptation du film Sacré Graal des Monty Pythons est aussi culte que l’original. Nous y suivons les péripéties « pas trop » héroïques du roi Arthur et de ses Chevaliers de la Table Ronde pour trouver le Saint Graal. Ecrit par Eric Idle, membre de la troupe qui reste actif pour pérenniser leur héritage, et le compositeur John Du Prez, ce délire musical reprend la majorité des scènes du film : Les chevaliers du Ni, Le chevalier noir, les Français, le lapin tueur et la sainte grenade. Mais il en réinvente aussi certains enjeux pour l’adapter à son nouveau médium. L’œuvre est créée en 2005 et adaptée 5 ans plus tard par Pierre-François Martin Laval. Elle se rejoue en 2013 à Bobino avant de disparaître pendant 10 ans.

Grâce à Stage Entertainment, le public peut maintenant le (re)découvrir dans une version toute neuve. Mais que vaut cette version ? Le spectacle a-t-il bien vieilli ? Le casting est-il à la hauteur ?

Pas de faux suspens : la réponse à toutes les questions est oui ! Spamalot rappelle sans conteste que PEF est un artisan de burlesque et de l’absurde. Il injecte son univers poétique à une œuvre où l’humour britannique exsude par tous les pores. Par de nombreux ajouts culturels liés à l’actualité récente, il créé une connivence entre le public et le spectacle. Une fois embarqués, les spectateurs sont prêts à assister à toutes les folies d’Eric Idle. L’apport de Stage Entertainment à la production se fait sentir dans la magnificence des décors. C’est rythmé, sans cesse surprenant et donc hilarant.

Dans le rôle du Roi Arthur, le metteur en scène étonne par son évolution en chant et en danse. Il ne démérite pas face à des professionnels de la comédie musicale. Présent dans quasi toutes les scènes, il fait office de diapason à ses camarades. Il impulse le rythme qui leur permettra de déployer tout leur talent. Et il y en a à la pelle ! L’énergie de troupe se ressent jusque dans la salle. Chacun travaille pour le collectif tout en ayant son moment de gloire. Ils jouent souvent plusieurs rôles avec le même soin apporté à l’interprétation que pour leur personnage principal. Toutefois, le livret met en avant le personnage de la Dame du Lac, magnifiquement incarnée par Lauren Van Kempen. Sa maitrise vocale lui permet d’offrir un orgasme auditif au cours de l’acte 2.

Spamalot est le spectacle feel-good de cet Automne 2023.  A pleurer de rire, il est porté par une équipe super talentueuse qui se donne à fond. On peut d’ailleurs s’étonner qu’avec toutes ces qualités, Stage Entertainment n’ai pas mis autant d’énergie dans la promotion que dans celle du spectacle de Michalik qui l’a précédé. Espérons que le bouche-à-oreille palliera cet oubli. Alors foncez au Théâtre de Paris, et donnez à ce spectacle l’immense succès qu’il mérite. Vous verrez les choses du « bon côté de la life ».

Un article de Florian Vallaud

Théâtre

j’veux du queer

Mérou

Un spectacle de Lou Trotignon

Le jeudi à 19h30 à La Nouvelle Seine (Paris 5eme)

Et en tournée dans toute la France

Le 23 septembre 2023 à 21h au Spotlight (Lille)

Les 6&7 octobre 2023 à Genève (Suisse)

Les 13&14 Octobre 2023 à Marseille

Le 3 novembre 2023 à Toulouse

Le 18 novembre 2023 à Bruxelles

Depuis la rentrée, une nouvelle bouille vient renouveler les visages d’artistes dans le métro parisien. Parmi les nombreuses affiches, dont certaines sont là depuis longtemps, celle-ci détonne. Par le pantalon à carreaux improbables que l’humoriste porte fièrement, mais aussi par son titre : Mérou. Ceux qui ne le connaissent pas peuvent être intrigués. Pour nous, c’est une belle victoire pour Lou Trotignon que nous avons découvert il y a plusieurs mois sur Instagram. L’envie d’assister à son spectacle s’est renforcée par le Pride Comedy Show, plateau d’humoristes queer organisé en mai dernier au Théâtre de la Renaissance (Paris 10e). Car, sous la présence hégémonique de quelques noms du Stand-up, une vague queer prépare sa déferlante.

Lou Trotignon n’attend pas bien longtemps pour parler de sa transidentité. Je sais déjà en écrivant ce mot qu’une partie des lecteurs vient d’interrompre sa lecture. Grand bien leur fasse ! Pour les autres, prenez un siège et installez-vous. Car le spectacle de Lou Trotignon est une safe place pour les queers en tout genre ou les alliés qui voudraient toucher de plus près des sujets importants : la difficile quête de soi confrontée à un monde hétéronormé, les questions de genre, la transidentité, l’hypersexualisation du corps féminin, etc. Tout ce qui occupe notre époque est contenu avec intelligence dans cette heure de spectacle. Lou Trotignon évoque également des sujets aussi sensibles que le striptease, l’astrologie ou les goûts discutables des hommes hétéros cisgenres. Par ailleurs, bien qu’abordant des thèmes queers, il ne laisse pas les alliés dans un coin, faisant régulièrement des « points tutos » pour que tout le monde parte sur les mêmes bases.

Malgré le sérieux des sujets, soyons francs : ce spectacle est hilarant. De l’efficacité des blagues à la précision rythmique de l’interprétation, Lou Trotignon attrape son public dès les premières minutes pour ne le relâcher que 60 minutes plus tard, éreinté mais repu. Par son phrasé particulier, son visage très expressif et un sens aigu de l’autodérision, il séduit facilement. Le lien avec le public se créé d’autant plus que l’humoriste parvient à rebondir aisément sur les aléas du spectacle vivant (un lapsus, des réponses improbables des spectateurs…). Le spectacle se termine sur une forte intensité émotionnelle, un moment de partage très rare. La représentation que nous avons vue était celle de la rentrée. Cette fin avait donc une portée particulière pour l’artiste et son public, convaincus de se joindre à une séance de câlinothérapie, d’embrasser un instant de bonheur.

Cela peut paraitre étrange de le faire maintenant, mais nous tenons à saluer le talent immense de sa première partie, l’humoriste Tanhee qui joue tous les vendredis et samedis à 19h30 dans la même salle. Nous ne nous étendons pas dessus car il se peut qu’un article entier lui soit consacrée prochainement.

Toujours est-il que Mérou doit figurer dans vos agendas de spectacles dans les prochaines semaines. Il est même conseillé de réserver bien à l’avance car Lou Trotignon affiche quasiment toujours complet. A tel point qu’on pourrait se dire que La Nouvelle Seine va rapidement devenir trop petite pour lui. Il serait dommage de passer à côté de cette safe place à pleurer de rire tout autant qu’elle questionne. Lou Trotignon dit qu’il est « tout en petitesse » mais il y a fort à parier qu’il fera très bientôt partie des grands.

Un article de Florian Vallaud