SERIES

Une série qualifiée

Astrid et Raphaëlle (2019 –     )

Une série créée par Alexandre De Séguins

Et Laurent Burtin

Avec Lola Dewaere et Sara Mortensen

Produit par JLA Productions

Saison 4 à partir du 09/11/2023

Sur France 2

 

Vous connaissez JLA Productions ? Mais si, réfléchissez un peu ! Ces initiales vous disent forcément quelque chose. Allez, je vous aide : ce sont les initiales du A de AB Productions. Vous l’avez ? Jean-Luc Azoulay continue sa route de producteur. Avec JLA, il développe des séries à succès pour TF1 comme Joséphine ange gardien et Camping Paradis. Ce n’est pas votre came ? Ok ! Vous préférez des morts et des enquêtrices hors norme ? Ils ont ce qu’il vous faut : Astrid et Raphaelle. Cette série diffusée sur France 2, qui démarre sa 4ème saison ce vendredi, ne cesse de surprendre par sa qualité narrative. Alors allons faire un petit tour du côté de LA série policière française à ne pas rater.

Tout d’abord, qu’est-ce que ça raconte ? Raphaëlle Coste, commandante à la PJ, fait la rencontre d’Astrid Nielsen, employée à la Documentation Criminelle. Epatée par sa connaissance encyclopédique du crime et son sens de la déduction, Raphaëlle l’intègre vite à son équipe. Seulement, il y a un léger « soucis ». Astrid est atteinte de TSA (Trouble du Spectre Autistique). Comment l’énergie bordélique de Raphaëlle peut-elle s’accorder avec le handicap social d’Astrid ?

Alors, vous allez me dire qu’on a déjà vu des séries policières avec des protagonistes aux caractères opposés. Et c’est vrai : Castle, Rizzoli & Isles, Monk. On en a quelques-unes aussi en France, mais aucune dont le handicap est moteur de l’intrigue. HPI ? Ce n’est guère plus qu’un prétexte pour mettre Morgane Alvaro (Audrey Fleurot) dans les pattes de la police. Dans Astrid et Raphaëlle, son autisme est au centre du dispositif narratif. Parfois pour de la comédie, comme lorsque sa comparse l’invite à changer ses routines qui la rassurent, mais souvent pour en montrer les difficultés : anxiété et inaptitude sociale, difficulté de communiquer, extrême sensibilité aux bruits et aux lumières fortes, intérêt spécifique autour des puzzles, etc. Si la liste semble longue, c’est que ces symptômes sont souvent liés. Mais Astrid ne porte pas seule la parole des autistes. L’intelligence des scénaristes a été de montrer son groupe d’aptitude sociale, qui lui permet d’apprendre comment comprendre et interagir avec les neurotypiques (ceux qui ne sont pas TSA). Par le développement des personnages composant ce groupe (surtout en saison 3), le spectateur peut avoir une idée de ce qui se passe dans la tête (et le cœur) des neuro-atypiques. Pour plus de justesse, l’équipe créative compte en son sein plusieurs personnes TSA. Il est évident que la série ne peut contenir toute la complexité de ces handicaps, qu’elle ne peut que tracer des esquisses (parfois jusqu’à la caricature). Mais c’est ce que la télévision française a pu nous offrir de mieux jusqu’à maintenant. C’est déjà énorme.

Le duo évolue. Elles apprennent l’une de l’autre. Raphaëlle joue ce rôle de la personne qui vient bousculer les certitudes d’Astrid. Ainsi, cette dernière n’est plus la même en saison 4 qu’en saison 1. Beaucoup de choses ont évolué dans sa vie et son cercle social s’agrandit petit à petit. Dans cette saison, elle va même aborder un rapport qu’elle ne pensait jamais avoir à affronter.

Mais le côté policier alors ? Il est abordé avec autant de soin que le développement des personnages. Clairement inspirés par Conan Doyle et son personnage Sherlock Holmes (certains détails habilement dissimulés y font souvent référence), les scénaristes s’appliquent à proposer des intrigues innovantes dans une série française, et dont les résolutions ne sont pas si aisées. Un homme foudroyé un jour de plein soleil, des manifestations surnaturelles, un golem : plus c’est incroyable, plus l’énigme donne des épisodes surprenants. Afin de s’inscrire dans les traces de leur illustre modèle, les scénaristes donne une némésis à Astrid, son Moriarty. Incarné par Stéphane Guillon, le personnage est glaçant. Chacune de ses apparitions est la promesse d’un épisode sous haute tension.

Il est maintenant temps d’évoquer les merveilles comédiennes qui portent cette série. Lola Dewaere campe une commandante bordélique avec le plus grand des naturels. Elle passe facilement entre la ténacité qu’exige son métier et la tendresse envers celle qui devient son amie. Elle passe de la comédie au drame en une fraction de seconde, sans qu’on ne voie la bascule. Elle a probablement le rôle le plus compliqué. A l’instar de son personnage qui porte Astrid, Lola Dewaere porte Sara Mortenson. A l’opposé total de son caractère, son travail est complexe. Il faut incarner un personnage TSA et ne pas le mimer, encore moins le caricaturer. Elle adopte un phrasé, une gestuelle propre à Astrid. Tout est millimétré si bien que, lorsque certains événements « libèrent » Astrid, on voit affleurer une étincelle dans son œil. C’est déroutant au départ, puis sa « petite musique » s’inscrit totalement dans l’ensemble.

Si ce n’est déjà fait, Astrid et Raphaëlle est une série à découvrir sans délai : captivante, drôle, touchante, abordant le handicap avec bienveillance. Bien qu’il y ait des aspects feuilletonnant, chaque enquête est indépendante. La saison 4 n’est peut-être pas la saison idéale pour démarrer sans ne rien savoir de la saison précédente, mais elle constitue pour l’instant la seule porte d’entrée possible (hormis les dvd disponibles). En effet, les premières saisons ne se trouvent pour l’instant sur aucune plateforme légale. Peut-être serait-il bien d’y remédier ?

Un article de Florian Vallaud