CINEMA, EN SALLE

Mortelle partie de pêche

En Eaux troubles.Résultat de recherche d'images pour "en eaux troubles"

Action, Thriller – USA

Réalisé par Jon Turtletaub

Avec Jason Statham, Bingbing Li,

Rainn Wilson, Winston Chao…

Sortie en salle le 22 Août 2018

Distribué par Warner Bros France

Au sein de la station de recherche sous-marine Mana One, c’est l’effervescence. On y organise une expédition hors du commun à la découverte d’un écosystème inconnu, caché au plus profond de l’océan Pacifique. Mais à peine découvert, il s’avère que cet environnement se révèle bien plus hostile que prévu. Alors que l’équipage parvient in extremis à se sauver de ces profondeurs menaçantes, quelque chose l’a suivi jusqu’à la surface, le plus redoutable prédateur marin que la Terre ait porté : Le mégalodon.

Dire qu’En Eaux troubles revient de loin serait un euphémisme. Ce projet date tout de même du siècle dernier. En 1997, l’auteur Steve Alten accouche de Meg : A Novel of Deep Terror. Comme Jurassic Park quelques années plus tôt, les droits sont très vite achetés, par Disney en l’occurrence, mais le projet est rangé dans un tiroir. La cause ? La sortie deux ans plus tard du Peur Bleue de Warner. Pour le bien, certainement, car ce dernier aura engendré un beau score au box-office, en dépit d’un scénario peu inspiré et de scènes d’un ridicule presque sharknadoesque. Dès lors, l’adaptation du roman, d’abord oubliée, passe de main en main avant de finir sur le bureau de Jon Turtletaub et finalement sur nos écrans, 20 ans plus tard, à une époque où le film de requins est après tout florissant.

Évidemment, loin d’être un genre en soi, le spectre des films mettant en scène toutes sortes de squales est on ne peut plus large, partant des angoissantes Dents de la Merde Spielberg, en passant par l’étouffant 47 meters down, pour rejoindre des projets plus originaux tels que L’Attaque du requin à 2 têtes, Sharktopuset d’autres variations du genre, et finir avec la déconnante pentalogie Sharknado. Bref, le genre est aussi large qu’une mâchoire de grand blanc, et étrangement situerEn Eaux troubles sur cet éventail peut se révéler compliqué. Ne serait-ce que son titre. En VF, il nous promet de la terreur et du suspense, alors qu’avec The Meg en VO, on comprend bien plus facilement qu’on a affaire à du lourd, de l’action bien grasse. De fait, en dépit des possibles intentions de ses producteurs, En Eaux troubles fait un bien piètre film d’horreur. Pas l’ombre d’un moment de surprise, ni même un tout petit jump-scare pour marquer le coup. À moins que vous ne soyez une baleine (on ne juge pas), lesquelles prennent quand même très cher en terme de déchiquetage, même les scènes les plus sanglantes n’ont pas le potentiel de nous faire frissonner. Mais une question se pose finalement : Peut-on vraiment faire de l’horreur (sérieuse et viscérale s’entend) avec un requin de 25 mètres ?

Après tout, toute l’horreur et la terreur qu’inspirent le requin viennent de sa nature de prédateur particulier, pour ne pas dire opportuniste. Son aileron n’est jamais plus terrifiant que quand il disparaît sous les eaux, et une fois immergé, sa discrétion est proverbiale. De plus, la bête a un sens pratique des plus cruels, mordant sa proie pour en emporter un morceau pour aller manger plus loin, avant d’éventuellement revenir se servir. Une glaçante manière de chasser, admettons-le, bien loin des capacités du mégalodon, dont la mâchoire se révélait tellement large qu’il pouvait avaler un humain avec autant de facilité que Monstro déglutit Pinocchio. Nul besoin de déchiqueter la carcasse du baigneur avant de se régaler. Quant à parvenir à se cacher, n’en parlons pas. S’il tente vaguement de nous surprendre en exploitant le hors-champ, on a bien du mal à croire qu’un poisson de 25 mètres de long puisse vous tourner autour à moins de 10 mètres sans qu’un de ses ailerons n’entre dans votre champ de vision. Autant dire que le potentiel horrifiant du mégalodon n’atteint pas celui du bon vieux requin blanc. L’horreur est un genre qui se joue de la taille.

En revanche, dans les eaux tumultueuses de l’action, En Eaux troubles se défend avec une fougue que ne renierait pas un espadon hameçonné au bout d’une ligne, avec ses séquences de sauvetages sur le fil et d’attaques de requins sous stéroïdes. Certes, l’ensemble ne nous réserve pour ainsi dire aucune surprise, et l’humour décomplexé habituellement dévolu aux productions de ce genre est plutôt pataud, et parfois même très mal amené, néanmoins, les effets spéciaux donnant vie à la bête se révèlent plutôt décents compte tenu du budget et pas mal de séquences marqueront un peu leur spectateur (L’attaque de la station sous-marine, Jason Statham jouant les appâts accroché à un câble tracté par un bateau lancé à pleine vitesse), tandis que d’autres, bien qu’impressionnantes c’est vrai, se révèlent globalement inutiles (et se concentrent principalement vers la fin). Clairement, l’ennui a fait ses valises et est allé se prélasser sous d’autres cieux.

Portant les marques de sa lente gestation, En Eaux troubles ne fera pas frissonner les amateurs d’horreur. Il n’émerveillera pas non plus les esthètes des personnages fins et bien écrits. En revanche, les amateurs de traque démesurée, biberonnés aux invraisemblables productions 90’s et leurs effets spéciaux (préhistoriques vus de 2018), trouveront un film haletant et sans temps morts. On aurait peut-être apprécié plus de profondeur, mais c’est déjà pas mal.

Un article de Guillaume Boulanger-Pourceaux